Belle expérience de cinéma qui nous change quelque peu des sempiternels films empesés sur la déliquescence morale de notre monde, « Perfect Sense » n’est pourtant pas exempte de défauts majeurs qui amenuisent sa portée et sa force de conviction. Si le sujet est peu original en soi, la traduction qu’en à David Mackenzie apporte un vent de fraicheur et y transmet sa sensibilité avec un charme diffus qui n’est pas pour nous déplaire. On peut trouver cette métaphore sur notre Humanité en perte de repères à force d’individualisme forcené un brun empesée et au message si peu subtil trop lénifiante par instants. A contrario, utiliser nos sens primaires pour signifier l’impérieuse nécessité d’apprendre la confrontation d’individus à cohabiter sur une même planète sans distinction de races, d’origines ou de religions est un argument qui,s’il est bien agencé, mérite qu’on prenne le temps de s’arrêter dessus. Et c’est bien ce que veut nous dire le réalisateur britannique.

Le temps, donnée si précieuse de notre civilisation qu’il nous faut chérir précieusement tant celui-ci est garant de la bonne marche du monde, semble ne devenir qu’à nos yeux une denrée matérielle dont il faut obséquieusement remplir le vide de notre existence sous peine de se frotter à la cruelle vacuité de notre fondement sur la terre. Le pragmatisme qu’affiche le cinéaste en confrontant une scientifique (donc ne s’accordant qu’à des faits prouvés) à un cuisinier(ou les sens sont éprouvés dans toute leurs infinies variétés) doit nous faire reconsidérer la vie comme une succession d’étapes à traverser.Non comme un chemin tout tracé que l’on emprunte insidieusement sans se demander quel serait le but d’une telle démarche, mais autrement plus soucieux d’un partage et d’une compréhension de L’autre dans toute sa disparité. Ce faisant, il nous invite à redéfinir notre conception linéaire d’une pluralité biologique pour nous interroger sur le sens que prennent nos cheminements intérieurs.Se repaitre avec une telle gloutonnerie des ressources infinies qu’exige notre société de consommation est inévitablement une erreur monumentale dont nous payerons tous le prix cher tôt ou tard. La barbarie humaine se nourrit de cette dévorante bouffonnerie et le chaos qui en découle ne peut être infiniment répété. Quand le précipice nous engloutit, seule notre dévotion empirique, caractéristique de notre essence, est à même de rétablir le calme sous la tempête. Nos émotions, pour prégnantes qu’elles soient, font partie de cette reconquête de L’Humanité perdue. Il n’est pas de juste philanthropie sans joies et peines confondues. La douleur, qu’elle qu’elle soit, n’est pas l’apanage des nantis de cette terre .Nous ne la recevons et ne la vivons chacun pas avec la même intensité mais elle nous est nécessaire en tant que vivants. Vouloir lui échapper ne peut que s’apparenter à une fuite en avant dont il n’est pas dit qu’elle ne nous reviendra pas encore plus fort, tel un boomerang lancé à pleine vitesse. Il en va ainsi pour le plaisir, vaste sentiment plus complexe qu’il n’y parait, auxquels tout être peut prétendre, ne serait-ce notre imperméabilité vivace contre cet état parfois anxiogène.

L’hédonisme, tendance protectionniste de plus en plus répandue contre la fatalité, n’est valable qu’accompagné d’une vision élargie. Les deux personnages principaux s’en rendront compte à leurs dépends. La blessure profonde qu’ils ressentent envers eux les enferme dans une colère froide complétement compréhensible mais égoïste car sans concertation. L’incompréhension est mère de toutes les rancœurs et se refermer sur soi-même devient une solution de repli évidente mais trop commune. Nous possédons notre propre altérité qui est difficilement compatible avec d’autres entités et les réunir demande un travail considérable intrinsèquement incompatible avec l’évolution de la société. Rebâtir cette confiance, pas à pas, est la petite goutte d’eau qui permettra la création d’un océan. C’est le sens de ces scènes douces ou nos 2 amants s’effleurent et éprouvent leurs sentiments respectables dans un mélange de peur et d’envie. La sensualité à fleur de peau qui en émane ravive à nos oreilles la subtile mélodie du bonheur. Les romantiques que nous sommes se bercent avec allégresse de ces instants précieux.

Dommage alors que cette harmonieuse tentative soit illustrées à grands traits, surlignant ici la fin d’un monde dans des séquences d’apocalypse grossières et dans un nappage musical pompier. Trop de violons pour démontrer la solitude et la violence endurée. L’outrance dont se pare la mise en scène lors des contaminations et des gavages est particulièrement risible et les comédiens ne sont pas autant inspirés les uns que les autres. Quant à la fin, prévisible tant tout le scénario est construit dans ce sens,elle nous laisse l’impression amère qu’il fallait absolument plaire au plus grand nombre et n’est pas du tout à la hauteur du travail accompli. Heureusement que le solide Ewan Mc Gregor et la belle Eva Green sont au diapason de leur réputation pour ne pas faire sombrer celle-ci dans une répugnante retrouvaille tire larmes.
Sabri_Collignon
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le 22 juil. 2014

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