Les relations de surface
Ce film italien, qui ne marquera sans doute pas la postérité, n’en demeure pas moins fort intéressant. Il pointe du doigt les relations de surface que nous avons avec les personnes que nous...
Par
le 31 oct. 2016
5 j'aime
Unité de temps et de lieu, un dîner, des amis en couples, un jeu stupide de la vérité consistant à sortir les portables, les poser sur la table et répondre au vu et au su de tous. Personne n’a rien à cacher, c’est bien connu, et tout va déraper, c’est attendu.
Sur ce canevas éculé, mixant Cuisine et dépendances et le très mauvais Carnage de Polanski, Paolo Genovese livre une nouvelle variation qui n’échappe pas au risque du théâtre filmé, même s’il n’est curieusement pas une adaptation, mais qui s’en sort tout de même avec les honneurs.
Certes, enchaînement de circonstances fâcheuses, qui veut que toute l’Italie décide d’appeler, chacun des convives, tour à tour, pour révéler infidélités, homosexualité cachée, mammoplastie ou désir secret de remiser la belle-mère dans un mouroir a de quoi faire sourire, et personne n’est vraiment dupe de toute cette mise en scène.
Le charme a de toute façon déjà opéré : par le jeu des comédiens, par la caractérisation assez subtile qui fait que tous semblent dans un premier temps sortir du même moule avant que des points saillants contribuent à les différencier dans la douleur, par l’écriture fluide et efficace des dialogues, permettant de visiter tout le spectre des désaccords.
Si l’idée de départ parait assez fallacieuse (qui irait se lancer dans un tel défi, surtout au vu de tous les lièvres qui vont être levés…), quelques inventions scénaristiques permettent de pimenter de façon assez intelligente l’avancée des débats : un échange de téléphone très opportun, occasionnant un dramatique de situation d’avantage que comique tout à fait fertile, une scène émouvante de vérité permettant à la mère d’entendre en direct la complicité qu’elle n’a plus avec sa fille, et que celle-ci partage avec son père… Progressivement, les masques tombent avec moins de grossièreté qu’on n’aurait pu le craindre. Parce que les artifices imaginés par les différents personnages, loin de provoquer un étalage éclatant des vérités, les met dans une situation où cohabitent autant la haine des règlements de compte que la solidarité face à celui qui se retrouve à terre. A ce titre, toute la thématique de l’outing en terre italienne dépasse allègrement la comédie de boulevard pour révéler des questions bien plus délicates.
Alors que les rails prévus de la catastrophe irréparable sont empruntés comme il se doit, un twist assez audacieux vient chambouler la routine scénaristique.
Au plus haut du drame, celui du point de non-retour, les personnages se séparent comme s’il ne s’était rien passé, le récit considérant subitement le jeu initial comme ayant été refusé par celui qui, finalement, avait le moins à se reprocher. Le film entier devient une uchronie qui devrait susciter le soulagement, et qui voit poursuivre leur existence des personnages veules privés de leur catharsis. Le spectateur, lui, sait. Cette position intenable permet la formulation d’une morale autrement plus intelligente que celles généralement formulées par les drames habituels : la médiocrité quotidienne qui s’y répand rend détestable l’humanité toute entière.
Merci à guyness, sans qui je n'aurais pas vu ce film.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Comédie, Famille, Satirique, Les meilleurs films sur l'amitié masculine et Les meilleurs films de huis clos
Créée
le 1 août 2016
Critique lue 4K fois
27 j'aime
9 commentaires
D'autres avis sur Perfetti sconosciuti
Ce film italien, qui ne marquera sans doute pas la postérité, n’en demeure pas moins fort intéressant. Il pointe du doigt les relations de surface que nous avons avec les personnes que nous...
Par
le 31 oct. 2016
5 j'aime
Pendant que le cinéma français se meurt de ses gros cachets, subventions discutables et discutées, le cinéma italien nous sert année après année quelques chefs d’œuvres (sans compter le grand paolo...
Par
le 6 sept. 2016
5 j'aime
4
C'est un exercice amusant de voir toutes les versions d'un même scénario. Surotut ici où on joue avec certains clichés, cela permet ainsi de voir comment s'imaginent physiquement un séducteur dans...
Par
le 23 mars 2021
1 j'aime
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
774 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
715 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
618 j'aime
53