Le miroir de l'âme
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Persepolis, à mes yeux, est un bon film d'animation. Bon film d'animation français qui plus est (Cocorico, Allons enfants de la patrie, où est ma baguette ?). D'autant plus que, non seulement le sujet est bien plus délicat que l'histoire d'un vieux qui accroche des ballons à sa maison, et de même la simplicité du dessin, hommage au style graphique de la BD du même nom de Marjane Satrapi, n'enlève rien à son charme. Sur le fond, l'histoire, autobiographique, de Marjane, est découpée en trois parties bien distinctes : Enfance et adolescence en Iran lors de la Révolution de 1978 et de la guerre Irak-Iran, Escapades de Vienne, Retour à Téhéran. La première partie notamment fait preuve d'un incroyable découpage de l'histoire, où les scènes nostalgiques côtoient les désillusions politiques, la peur de l'oppression et le pacifisme bafoué, dans cette famille Satrapi avec une très forte sensibilité de gauche (7/10 si j'en crois mon Usulomètre). Autre point que j'aime bien : on ne représente pas seulement l'oppression de la République Islamique d'Iran par ses sbires d'Etat. On la représente aussi par ce citoyen lambda qui insulte la mère de Marjane en raison de son foulard mal mis, et d'autres gens du quotidien qui dénoncent leurs pairs impies et démontrent un état de fait : la dictature vit ne peut vivre que lorsque ses citoyens sont aussi zelés qu'elle.
Puis, c'est l'apparente libération, l'arrivée en Europe, la découverte du vin, des excentricités occidentales, d'une pensée clairement ethnocentrée (les religieuses chez lesquelles Marjane doit vivre, ou encore ce nihiliste dont j'ai plus le nom qui dénigre la mort pour des idées alors que dans le Monde des gens doivent encore se battre pour leur liberté, une réalité que Marjane elle-même a vécu). Une fois en Europe, Marjane semble découvrir tout, mais ne s'attacher à rien, et à connaître les échecs de l'amour. Au final, cette partie semble être le symbole d'une autre désillusion : dans l'Europe des Libertés, on est libre de mourir seule. Seule et loin de chez soi.
Dernière partie, autres illusions, autres rapports. La relation entre Marjane et sa grand-mère, femme forte et franche, se renforce par le message principal du film : l'intégrité à ses idées et à ce que l'on est. La dernière phrase du film, que Marjane, adulte et en couleur, prononce à son chauffeur de taxi, est qu'elle vient d'Iran : elle s'accepte pour ce qu'elle est, pas pour ce qu'elle aimerait être. Discours simple, mais percutant. Marjane ne peut plus vivre avec un mari qu'elle n'aime plus, ne peut plus vivre dans un pays où elle étouffe ; c'est son acceptation qui la libère, parce qu'elle est franche pour elle-même, et de fait, elle devient franche pour les autres.
Ça, c'est pour le fond. Pour la forme, ce ne sera pas aussi terriblement long, je vais tenter de me retenir. D'un autre côté, le dessin de Persepolis, simpliste et en noir et blanc pour 95 % du film, n'est pas celui sur lequel on pourrait s'attarder des heures ; mais sa simplicité joue en sa faveur. Le dessin, tout comme une caméra, porte l'histoire dans les films d'animation. Jusque là, j'utilise des poncifs. Mais Persepolis porte l'histoire parce que ses dessins ne sont pas juste simples : ils sont d'abord justes. Pas d'hyperréalisme à la Shinkai dans Persepolis : la simplicité du trait renforce l'image, renforce les actes, et, de fait, leur symbolisme. Alors que, dans un film comme Your Name, la beauté de l'image embellit l'action, la simplicité de celle-ci dans Persepolis renforce son caractère spontané et sa puissance. Spéciale mention à l'utilisation d'ombres chinoises dans la représentation de la guerre Iran-Irak : ce n'est pas une grosse charge réaliste d'infanterie, mais une charge plus schématique et parallèle entre les deux camps. La symbolique de l'image porte avec elle le message pacifiste du film. Le message est porté par l'image, une bonne relation forme/fond, un 8/10 assuré pour moi. Allez le voir, car pour une production frrrrançaise, elle mérite vraiment d'être visionnée.
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le 25 juin 2020
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