Peter Ibbetson par Alligator
Henry Hathaway est un grand technicien. Sa mise en image est souvent élégante. On sent lors du visionnage que le bonhomme a du savoir-faire. C'est net, précis et ne manque jamais d'imagination tout en allant à l'essentiel. Le sens pictural de ses cadrages ne fait pas défaut. Tout le long du film, il nous en propose qui rendent des décors parfaitement évocateurs, que ce soient les hauts couloirs chez le Duke of Towers, couloirs pleins de peintures, de tentures et meubles chargés d'histoire, où le poids de la tradition annonce déjà l'issue de l'entreprise. Ou bien en contre-point, la magnificence des forêts, la pûreté du ciel qui découpe les montagnes; les éclats de l'onde, etc. Hathaway semble maitriser son récit et lui donner du poids avec ses cadrages, ses travellings. Il fait jouer parfaitement sa caméra. Par exemple, cette magnifique séquence où Peter enfant (Dickie Moore) voit sa mère mourir. Il est prêt d'une fenêtre qui donne sur l'escalier qui mène à l'intérieur de la maison. Il se retourne pour pleurer contre le rebord. A l'arrière, sur l'escalier, se tient sa petite copine (Virginia Weidler), en pleurs, elle le regarde et partage son chagrin. Tout est dans le cadre. En quelques secondes, tout est dit. Le lien entre les deux gamins est scellé. Ou bien encore, peu de temps auparavant, au contraire, les gamins se chamaillent. Ils se disputent des planches de bois à travers la grille qui sépare les deux jardins. Ils sont filmés séparés par cette grille, emprisonnés de leurs petits égos. Que ce soit l'escalier ou la grille, Hathaway utilise à bon escient, de manière trés subtile, l'agencement du décors. C'est la raison pour laquelle je crois que je ne pourrais pas m'ennuyer devant un film d'Hathaway. Vous pouvez être sûr de voir du bon travail. Soigné.
Maintenant je vais avouer que cette histoire d'abord joliment romantique, douce, un peu amère et qui prend ensuite une tournure totalement mélodramatique, voire mystique, ne m'a pas procuré grand plaisir. Est-ce le fait du peu de charisme d'Ann Harding? Sans doute un peu. Mais la morale... comment dirais-je... de la puissance télépathique de l'amour me dépasse largement. Pas mon truc.
Par contre, le jeu de Gary Cooper c'est plus mon truc, ça oui! Quel bel homme d'une part! Il me fait penser de plus en plus à Brad Pitt (certains crieront au sacrilège sans doute). Pas avare en oeillades le saligaud. Mais c'est surtout sa dégaine, son apparente sérénité qui dégagent une mâle assurance, en même temps qu'un je-ne-sais-quoi de sympathique. Le charme en somme. Je passe sur la deuxième partie où le scénario s'échine salement à tirer les larmes du spectateur par l'ostentation d'un pathos pas terrible, lourdaud. Je n'avais pas trop le goût alors d'apprécier le jeu des acteurs. J'avais juste hâte qu'ils en finissent.
Tenez, parlons plutôt des deux gamins qui scient le séant. La blondinette Virginia Weidler, je ne la connaissais pas et elle est épatante. Le garçonnet, Dickie Moore, sa tête me revient, je crois qu'il joue dans Heaven can wait le rôle de Don Ameche, jeune enfant. Il est choucardement efficace et sûr. Tous les deux sont vraiment convaincants. C'est quand même assez rare pour être signalé que des lardons jouent de manière aussi naturelle. Ouala, c'est fait.
Je crois que je n'ai connu Ida Lupino que vieille ou bien mûre. Ici, elle est tellement verte que je ne l'ai pas reconnue. Elle apparait dans sa prime jeunesse ; la coiffure victorienne, la boule rondouillette ont fait le reste. Ce n'est qu'au générique final que je me suis rendu compte de mon infortune. Honte sur moi et ma famille sur douze générations.