Vivre, ça doit être une sacrément belle aventure.
Pourquoi diable aime-je tant ce film ? Premièrement, le regarder est très agréable. Sérieusement, normalement ce n'est pas vraiment un critère pour moi, je ne vais pas aimer un film s'il est juste drôle. Mais celui-là n'est pas juste drôle. Il n'empêche qu'il est drôle. Pas dans le sens comédie stupide. Juste dans le sens sens de la répartie. Les répliques s'enchaînent et chaque phrase répond à la précédente, d'une manière imprévisible (sauf bien sur quand on a vu le film autant de fois que moi) et amusante. Bien entendu, c'est beaucoup moins amusant quand on le regarde seul, il faut bien le reconnaître. Mais quand-même, je crois que je ne remplacerais pas une seule phrase. On dirait une pièce de théâtre. Est-ce que c'est une pièce de théâtre ? Je sais qu'il y a une pièce de théâtre Peter Pan, souvent dans les films ils la jouent dans les école. Est-ce que les répliques sont celles-là ? Est-ce que je ne suis au courant de rien et que le film n'est juste qu'une mise en scène d'un texte qui existait déjà ?
Ce que je connais moi, c'est le livre. Et on en arrive à la véritable raison pour laquelle j'aime autant ce film. J'avais dit "premièrement", mais l'autre raison est en fait la deuxième, sauf que je me voyais mal commencer mon texte par "deuxièmement", et que je préfère garder le meilleur pour la fin. Le meilleur pour moi, c'est qu'il-y-a du sens ! un message ! de la signification ! Et justement, on dirait que ce film a mieux compris le message de Peter Pan que l'auteur original du livre ne l'avait compris lui-même. Peut-être que ça n'a aucun sens. Mais moi c'est le livre qui m'a semblé vide de sens. J'ai été tellement déçue. Et pour moi, le sens profond de l'histoire de Peter Pan (en général, quelque soit l'adaptation) c'est celui-là, celui que j'ai découvert en regardant ce film. Paradoxalement, ce que Peter Pan m'a fait réaliser, c'est qu'il faut grandir. "Vivre, ça doit être une sacrément belle aventure", dit-il à la fin en regardant Wendy et les enfant perdus heureux dans la maison avec leurs parents. En général, je n'aime pas les films qui ont une fin triste. Mais celle-là est tellement chargée de sens. Et cette réplique change entièrement ton regard sur Peter Pan.
En refusant de grandir, on passe à côté de la vie. Tu ne veux pas grandir. Je ne veux pas grandir. Parce qu'être un enfant est tellement plus facile. Parce que tu préfères rester à l'abri de toutes les mauvaises choses qui t'attendent, de toutes les difficultés, que tu es tellement mieux dans ce petit monde protégé. Mais en te protégeant du mauvais tu te protèges aussi de toutes les bonnes choses que la vie peut t'apporter. Ça semble logique quand on le dit. Ça semble bête au possible comme réflexion. Et surtout, on peut parfaitement me rétorquer qu'un enfant vit plus qu'un adulte. C'est vrai, j'ai souvent eu cette sensation de ne pas vivre vraiment, dans le sens de l'adjectif vivant. Peter Pan semble vivant : il s'amuse, il rit, il profite, il part à l'aventure. Il passe à côté de la vie, telle qu'on l'entent habituellement, mais il vit tellement plus. Alors, pourquoi dit-il ça à la fin, d'un air si triste ? J'aime probablement ce film parce qu'il semble être d'accord avec moi et penser que se construire une vie est tellement plus important que se sentir vivant. Son amusement n'est pas réel, sa vie n'est pas réelle. Pas parce que c'est au pays imaginaire, et que tu peux considérer que ça n'a pas plus de valeur qu'un jeu de faire semblant. Rien n'est réel parce que tout est vide de sens.
La phrase dont tout le monde se souvient, c'est l'inverse de celle dont je parles, c'est celle qu'il dit au moment où Crochet est sur le point de le tuer : "Mourir, ça doit être une sacrément belle aventure". Je ne comprends pas pourquoi les gens adorent cette citation, c'est comme si je ne la comprenais pas, ou passait totalement à côté. Je le prends juste comme une illustration du fait que pour lui, rien n'a d'importance, tout est un jeu. Finalement, c'est même assez ironique, pour quelqu'un qui refuse de grandir, de vouloir jouer au grand à l'aventure (sans parler de jouer au père); de se donner, des responsabilités, des difficultés à affronter. C'est là que j'ai réalisé : ce n'est pas ça qui lui fait peur dans le fait de grandir. Ce qui lui fait peur, c'est ce que moi je préfère dans la vie, dans le fait de grandir : se regarder en face, chercher à s’améliorer, apprendre des choses sur soi. Introspection et développement personnel quoi. C'est ça qui lui fait peur à Peter. C'est pour ça qu'il est incapable d'aimer, ou d'éprouver un sentiment quelconque, ou d'apprendre de ses erreurs (théoriquement, il est incapable de se souvenir et c'est pour ça qu'il ne peut pas apprendre de ses erreurs). Il a juste décidé de ne rien prendre au sérieux. C'est pas lui que ça éclaterait de passer une heure à écrire en tentant de réfléchir au sens profond de son histoire. Il aurait trop peur de ce qu'il pourrait trouver. Intelligence intrapersonnelle : 0. Et idem pour l'intelligence interpersonnelle, parce que penser aux autres, considérer le fait qu'eux aussi sont des personnes réelles et pas juste des figurants dans l'histoire de SA vie, qu'ils ont des émotions, ce n'est pas son fort au Peter. Tuer est un jeu comme mourir est un jeu. Oui, il ne peut pas aimer et c'est tragique au possible. Mais le problème est bien plus général que ça, et ça n'en est que plus tragique. Il ne peut pas aimer au sens large, parce qu'il ne peut qu'être égoïste et centré sur sa propre petite personne comme un bébé qui n'a pas encore compris que les autres sont aussi des êtres humains.
Je ne veux pas grandir, être une adulte. Pas dans le monde réel. Je n'arrive pas à admettre qu'on puisse me considérer comme une adulte, j'ai l'impression d'être une fraude en agissant comme telle. J'ai l'impression que le temps passe trop vite et terriblement peur de ne pas avoir une vie qui me satisfasse. J'ai peur de ne pas trouver ce que je cherche. Peur de ne pas être à la hauteur. Mais intérieurement, chaque jour je grandis, je muris, et honnêtement je trouve qu'il n'y a rien de plus merveilleux. Alors je suis là, à passer mon temps à regarder des Disneys, lire des livres pour enfants, et à côté de ça sermonner les gens sur à quel point ils sont immatures et juste incapable de prendre du recul et d'arrêter de faire des drames pour rien. Et je ne me sens absolument pas contradictoire. Ce n'est pas comme si j'étais une adulte qui n'avait jamais eu aucune envie de rester enfant et aimerait Peter Pan parce qu'avec cette lecture ça la conforte dans sa position. J'aime Peter Pan parce que c'est une problématique qui me parle. Ce que je veux vraiment, ce que je cherche à faire jour après jour, c'est trouver un moyen d'allier tout ce que je veux garder de l'enfance à toute la maturité que je me dois d'acquérir. Et vous savez qui est un merveilleux modèle pour ça ? Wendy Darling ! Sérieusement, comme si j'allais écrire autant sur Peter Pan et trouver le moyen de ne pas la mentionner. Un de mes personnages préférés, toutes catégories confondues. Justement parce qu'elle trouve le moyen, quelque soit la version (sauf le dessin-animé super-nul et récent qui ne mérite pas d'être mentionné) d'allier si bien un côté enfant à un côté maman. Elle ne veut pas grandir mais il suffit de voir comment elle est avec ses petits frères pour réaliser que quelque part elle n'est déjà plus tout à fait une enfant.
Les gens s'identifient à Peter Pan et plaignent Wendy. Ils ne réalisent pas que ça devrait être l'inverse. C'est à Wendy qu'il faut s'identifier : elle ne veut pas grandir non plus, mais au cours du film elle réalise qu'elle le doit, et que ce n'est peut être pas si mal. Et c'est Peter qu'il faut plaindre. Tu plains Wendy parce qu'elle ne reste pas avec Peter Pan au pays imaginaire. Tu ne réalises pas que la vrai fin heureuse, ça serait celle où il rentrerait grandir avec elle. On plaint Wendy plus facilement parce qu'elle est triste, alors que Peter ne l'est pas, vu qu'il s'en fiche et ne ressent rien. Mais Wendy va s'en remettre, elle va grandir, elle va vivre, elle va trouver son bonheur. Peter Pan lui est bloqué, condamné à répéter ce cycle à l'infini. Ce n'est pas parce qu'il ne ressent pas la peine qu'il n'est pas à plaindre. Mais bon, dans cette version il semble ressentir la peine pour le coup, donc on comprend mieux. Le seul destin tragique, c'est le sien. Le pays imaginaire c'est une prison. Qui souhaite vraiment vivre dans une illusion ? Ah oui je sais, les gens qui préfèrent un mensonge qui fait plaisir à une vérité qui blesse, donc probablement une bonne partie de la population. Mais pas moi en tout cas. Vide de sens : c'est le pire je trouve.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Films et Peter Pan