Journal de bord - Jour 9

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au huitième épisode de la septième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :

https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163

Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :

https://www.senscritique.com/liste/les_petites_sirenes/3094904?page=1

Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---

J'ai proposé à Wulver de rejoindre notre équipage, mais il a refusé comme je m'y attendais. J'ai presque été heureuse de ce refus. Lui qui a tant et si longtemps cherché un endroit où vivre sa vie de reclus, il semblerait que ce rocher brut jaillissant de la mer, avec ses cotes écorchées et sa terre sombre soient l'endroit qui l'attendait. Je suis triste de le quitter encore une fois, mais heureuse de savoir qu'il a enfin trouvé la stabilité qu'il cherchait. Ses rares voisins ne semblent pas informés de sa condition, bien qu'il n'ai pas l'air de beaucoup s'en cacher, ou bien ils ne s'en soucient guère. Dans cette atmosphère si particulière de fin du monde nostalgique, cela ne m'étonnerait pas tant. Wulver m'a raccompagnée jusqu'au port, très fort symbole d'affection venant de sa part. Le capitaine a recruté quelques matelots désireux de quitter cette île sans histoire, mais pas assez pour remplacer tous ceux qui nous ont quittés. Même si les sortants ne savent plus exactement comment justifier leur désir de ne plus mettre le pied sur son pont, notre navire semble d'ores et déjà entouré d'une chape de mystère. Il parait même qu'il y en a un qui soit devenu fou...

Quoi qu'il en soit, avec cet équipage réduit, nous sommes mis à contribution pour participer à la navigation. Il faut dire que le capitaine a fini par se rendre compte des compétences.... particulières de mes amis et moi, et, passé l'effroi, s'est mis en tête d'en tirer parti. Ce sont donc des corps fatigués et piqués de quelques nouvelles têtes qui se sont encore une fois rassemblés sur le pont pour découvrir le film de ce soir. Le temps était clément et nous avons donc enfin pu mettre en pratique l'idée qui me courrait dans la tête depuis notre départ : nous avons projeté le film sur la voile du bateau. C'est donc un Peter Pan ondulant au gré du vent, et crépitant doucement sous la lueur des étoiles qui s'est offert à nous ce soir.

Si cette poésie marine allait parfaitement bien à la poésie de l’œuvre de Barrie, il semblerait que du reste, son adaptation de 2003 n'ai quant à elle pas compris grand chose à la poésie. Les effets spéciaux numériques sont particulièrement vilains. Certes, en 2003, c'est dans l'air du temps, mais le film souffre en plus du symptôme terrible de l'enthousiasme pour ces nouvelles technologies. Technologies qui offrent certes de nouvelles possibilités, mais qui invitent également à la paresse, dans laquelle se vautre grassement le film de ce soir. Car nombre de ces effet qui ont terriblement mal vieilli aurait pu être fait, avec un peu d'adresse et d’ingéniosité, sur le plateau. Un angle de caméra bien pensé, un éclairage, un bout de maquillage et quelques tours de passe-passe aurait pu nous éviter ces 3D immonde qui écorchent la rétine du spectateur de 2023. Peut-être que le film en aura émerveillé certains à sa sortie, n'empêche que 20 ans plus tard, même dans un film qui nous demande de croire aux fées très fort, on ne peut pas ne pas voir les effets 3D et nous priver de fantaisie. Dommage car la scène de l'ombre au début du film était loin d'être à jeter. La surimpression d'une animation (2D puisque c'est une ombre) était particulièrement bien trouvée et exécutée (et ça avait quand même plus de charme que le vieux bas nylon tout déformé pour lequel j'avais pourtant beaucoup de tendresse dans l'adaptation de 1924). Avec sa scène rajoutée (chose rare dans ce film) de la suspicion de la grande tante grincheuse, l'arrivée du fantastique dans le film était manié avec beaucoup d'adresse et d’espièglerie, très proche de l'esprit de Peter Pan. Parmi les scènes à sauver aussi, il y a la séquence des sirènes (ça tombe bien). Drôle d'idée que d'avoir greffé des personnages de film d'horreur dans un film de merveilleux familial, mais force est de constater que le résultat est là. Tout à coup, le film s'engouffre dans quelque chose de plus sombre, et se rapproche presque de son œuvre originale, bien plus profonde qu'un bête conte pour enfants. Les dates me semblent un peu trop rapprochées pour qu'il y ai eu réelle influence, mais je ne peux m'empêcher à la vue de leurs doigts palmés de penser à la créature d'hier. Mais après ça c'est la dégringolade, et en chef de file de cette course vers la médiocrité, il y a la fée Clochette. C'est moi ou on dirait Audrey Lamy dans Scènes de Ménage ? Fichtre diantre, et le charisme il est où ?! Elle n'est pas spécialement drôle, pas spécialement charmante non plus, et de chipie elle devient peste, nuance subtile peut-être, mais capitale pour ce personnage. Derrière, une adaptation très linéaire et sans fantaisie, des personnages plutôt fades, interprétés par des acteurs médiocres et qui semblent peu convaincus (peut-être ont-ils raison cela dit), des costumes qui puent les soldes chez Jouetclub (sérieux c'est quoi ces indiens là?), etc. Ce n'est pas mauvais, c'est simplement médiocre, moyen, oubliable. En fait, c'est comme les remake live-action que Disney s'obstine à produire en ce moment. Ça ne sert à rien parce qu'il y a déjà une version mieux qui existe. Ici des versions mieux, au pluriel, et penser que les enfants de 2003 pourrait trouver ça trop vieux pour être séduits (par le livre, par la pièce de théâtre, par les adaptations de 1924 ou 1953), c'est franchement l’hôpital qui se fout de la charité quand on voit comme le film a vieilli 20 ans plus tard, alors que les autres n'ont pas pris une ride en 100 ans d'existence.