Tout d'abord un conseil : surtout ne commettez pas la même erreur que moi, celle de voir ou revoir le Fassbinder avant de vous lancer dans la relecture de François Ozon. Car le jeu des comparaisons contre lequel on ne peut lutter, au moins dans la première partie plus que fidèle à l'original, pourrait bien vous gâcher le plaisir, vous empêcher de vous laisser aller dans ce jeu de massacre qui réclame justement du lâcher-prise.
Ozon, toujours aussi insaisissable, rend à la fois hommage à Fassbinder, mais ne s'empêche pas malgré tout de prendre des libertés. Du second degré qui pourra faire hurler certains spectateurs ne trouvant pas la bonne distance ou ne comprenant pas le mariage et alternance des tons, une mise en scène bien plus ample, selon moi bien moins puissante et fascinante, mais qui a la qualité de ne pas se laisser contraindre par l’œuvre du maître.
Et il a l'intelligence de modifier le métier de Peter / Petra Von Kant, le passage de styliste à cinéaste lui permettant d'accoucher de scènes qui n'existaient pas dans "Les Larmes...". Mais aussi de dresser frontalement un autoportrait du réalisateur allemand. Le sexe inversé, le métier assumé, ce que Fassbinder n'avait pas déclaré ouvertement sur pellicule Ozon le fait, et je trouve ce geste à la fois émouvant et courageux.
Ce film va forcément désarçonner plus d'une personne lors de sa sortie le 6 juillet, certains regretteront forcément qu'Ozon ne soit pas allé aussi loin dans la cruauté, qu'il ait permis des respirations via le second degré, mais il faut simplement lui accorder le droit de ne pas avoir fait le même film, d'avoir osé une vraie proposition, par définition clivante.
Ah oui une dernière chose qu'il serait injuste de ne pas souligner : le casting est formidable, Ménochet décidément capable de tout jouer, Adjani qui semble prendre un pied énorme et nous avec, et bien entendu Hanna Schygulla, toujours aussi belle cinquante ans après.