J’avoue ne pas avoir saisi ou voulait en venir Ozon avec ce révoltant Peter von Kant mais ce qui est sûr c’est qu’il est l’un des plus mauvais films que j’ai vu de ma vie.
Ozon reprend l’un des plus grands films de tous les temps “Les larmes amères de Petra von Kant" de Fassbinder, où ce dernier se mettait implicitement en scène pour raconter la toxicité de sa relation avec l’un de ses acteurs fétiches Günther Kaufmann, pour en expliciter cette introspection et mettre en scène Fassbinder par le biais de Dénis Menochet interprétant un cinéaste du nom de Peter von Kant. Par le côté très forcé des traits physiques de Fassbinder, et l’exagération de toutes les mimiques du personnage de Petra von Kant, Ozon caricature ici Fassbinder, laissant penser qu’il a pour but de s’en moquer. Hors le film baigne pourtant dans un amas de références à Fassbinder (apparition de Hanna Schygulla, citation du Droit du plus fort, la musique de Querelle,etc…) qui n’apportent en réalité rien sur qui était Fassbinder, juste des clins d’œil pour se rassurer et rassurer les amateurs du maître allemand. Mais du coup on ne sait donc pas sur quel pied danser avec ce film vis-à-vis du rapport entre Ozon et Fassbinder, on ne comprend pas si Ozon lui rend hommage ou le caricature.
Mais ce qui choque surtout c’est de voir à quel point Ozon n’a pas saisi le film qu’il essaye de s’approprier. Là où le film de Fassbinder met en scène une histoire d’amour, où chaque acte découle un ascendant de pouvoir entre Petra von Kant et Karin Thimm qui met implicitement en scène une lutte des classes où le mépris de classe Petra finira par être puni par sa dépendance émotionnelle, Ozon s’affranchit presque de la dimension politique et ne se regarde que lui et sa petite bourgeoisie en prenant les situations sur le ton de l’humour et du kitsch. D’autant plus que la performance catastrophique de Menochet qui n’est là que pour se vendre, qui prend toute la place et qui cabotine, rend ses émotions inconséquentes, sa détresse ne se fait à aucun moment ressentir, contrairement au film d’origine où il y avait une harmonie au niveau de la présence à l’écran des deux actrices. Celui-ci est d’ailleurs le film où l’harmonie des corps sur le cadre propre à Fassbinder est la plus travaillée et donne une réelle profondeur à sa mise en scène pourtant en espace clos. Toujours en opposition à la direction d’acteur de Ozon, chez Fassbinder le personnage de Margarit Carstensen jouait beaucoup plus juste par des expressions de visages plus sobres avec des éclats d’impulsivité merveilleusement bien emmenée par la tension du film.
En parlant de tension d’ailleurs, il est assez révoltant de voir à quel point Ozon ne s’intéresse pas réellement à son matériel de base. Remarquez que si le film de Ozon dure 40mn de moins que celui de Fassbinder pour exactement le même scénario c’est qu’il y a un problème. Et bien le soucis vient du fait que Ozon ne s’intéresse que très peu à la tension du film de Fassbinder, ses acteurs récitent faussement leur texte le plus rapidement possible pour arriver à ce qui intéresse Ozon c’est à dire la partie romantique entre ses deux acteurs, qu’il met en scène avec une vulgarité indécente. Dans le film de Fassbinder, le maître allemand prenait le temps entre chaque réplique par des regards, des gestes afin de créer quelque chose de charnel et d’érotique, un érotisme qui ne naît d’ailleurs que par ça, le film est tenu dans une pudeur assez impressionnante et ne montre rien, tandis que Ozon lui ne prend aucunement son temps il veut aller à ce qui l’intéresse et filme sa romance sans aucune pudeur, avec une grande vulgarité qui ne crée aucune tension, aucune harmonie entre les corps, il rejette totalement l’érotisme du film de Fassbinder, mais ne crée rien en contrepartie.
Puis pour finir parlons mise en scène. Là où Fassbinder utilise le 4:3 pour refermer son cadre comme il enferme ses personnages dans un espace par le huit clos, et finis par s’amuser de la théâtralité de son récit en alternant le plans distants et les plans plus rapprochés pour faire vivre ses images et se concentrer sur ses personnages individuellement mais aussi sur l’harmonie entre eux, Ozon tourne son film en scope ce qui immédiatement distance le spectateur des personnages, qui dans un huit clos sont pourtant le centre d’attention et le principal vecteur émotionnel, on ne se sent proche d’eux à aucun moment, d’autant plus que comme expliqué plus haut l’omniprésence de Denis Menochet n’aide pas.
En conclusion, ce Peter von Kant est un échec à tout niveau, Ozon ne s’intéresse pas à tout ce qui construit le chef d’œuvre de Fassbinder et ne se sert de ce dernier que pour filmer de façon la plus vulgaire possible une romance avec une caricature insultante de Fassbinder. La passion, le désir, le tragique et la dimension politique du film allemand sont totalement délaissés pour un film lisse, vulgaire et purement bourgeois, ou Ozon ne se regarde que lui-même et ne s’intéresse pas réellement a l’œuvre de son soit-disant modèle, et lui manque (peut-être inconsciemment) de respect, ce qui personnellement m’affecte et me révolte en tant que grand admirateur de Rainer Werner Fassbinder.