L'innocence violentée
Comme devant chaque adaptation littéraire, le ressenti devant Petit pays sera différent selon que l'on a lu ou non le roman d'origine. Le livre de Gaël Gaye, publié en 2016, valait tout autant que...
le 3 sept. 2020
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Adaptation du prix Goncourt des lycéens 2016 et succès littéraire instantané, Petit pays est un roman flirtant avec l'autofiction où l'auteur, Gaël Faye, raconte une enfance au Burundi déchirée par le génocide des Tutsis.
Eric Barbier, après l'adaptation plutôt réussie de La promesse de l'aube, est aux commandes de ce projet dont l'existence sonnait presque comme une fatalité (il y a eu quelque chose comme 400 000 exemplaires vendus). Aucune raison pour autant de nier les qualités du film. Elles sont nombreuses.
Sa force majeure est de dégraisser le mammouth en concentrant le récit sur trois séparations majeures marquant l'enfance de son héros, la séparation de ses parents, une mère Tutsie et un père français, la séparation de son peuple, Hutus d'un côté et Tutsis de l'autre, et enfin la séparation entre le héros et son pays, la toute fin faisant écho à la situation de l'auteur rapatrié en France au coeur du conflit. Si le roman adoptait le style -volontairement- simple d'un récit fait par un enfant avec une structure parfois vaporeuse, le scénario réussit à en garder l'essence tout en imposant et développant plus amplement certains personnages, notamment la soeur et la relation entre les parents. Ce couple incarné par la rwandaise Isabelle Kabano, réussissant à traverser une ample palette d'émotion, et Jean-Paul Rouve dont la beauferie maitrisée (il n'y a qu'un acteur dans le paysage ciné mondial à qui ce qualificatif s'applique) colle à merveille à ce père vrai faux colon sur le retour. Pas vraiment des personnages solaires, mais dont l'âpreté mêlée de tendresse sert avec une certaine justesse ce récit doux-amer. Barbier refuse de se reposer sur le contraste facile entre souvenir d'enfance et l'horreur de la réalité pour plutôt fasciner en montrant comment ces deux éléments s'entremêlent.
Autre fait notable, Petit Pays a été tourné en équipe réduite (treize français) au Rwanda, pays frontalier et à bien des égards "jumeaux" du Burundi. On est loin d'un Hotel Rwanda par exemple filmé pépouse dans des décors d'Afrique du sud, ici la plupart des acteurs ont vécus ce qu'ils font ressurgir pour le film. Cette histoire narrée à hauteur d'enfants. "Coming of age" contrarié par la violence poussant dans le jardin d'Eden qui entoure notre héros, commençant avec les amis qui troquent l'insouciance contre le racisme des "grands" pour finir par une véritable guerre civile. Si je regrette l'avant-dernière séquence sur la plage, d'une infinie gravité mais traitée dans le roman et au ciné comme un faux climax inconséquent au goût de cheveux sur la soupe, impossible de rester de marbre devant ce témoignage.
A l'image du livre, Petit Pays ne marquera pas l'histoire mais est trop marqué par l'Histoire que pour ne pas retourner son auditoire.
Créée
le 27 août 2020
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