Les (més)aventures d'Hubert dans le Finistère (Fin de la terre)

Je me méfiais un peu des critiques dithyrambiques de la presse nationale au sujet de ce "Petit paysan" car pour une bonne partie de ces médias influents, la campagne, c'est un peu le lieu où vit la famille de Leatherface, quant à une vache, j'en soupçonne certains de penser que ça donne du chocolat au lait Milka.


Là aucun souci, le film mérite les lauriers qui lui sont tressés, on peut en effet parler de véritable thriller paysan limite Cronenbergien, remarquablement troussé, tendu bien comme il faut, étrange, amusant, émouvant, avec un Swann Arlaud tout simplement éblouissant.


Mais ce que je retiendrai le plus de ce moment, ce sont les réactions pendant et après la projection. Je vous explique le contexte : petite ville du Finistère où les agriculteurs sont nombreux, présence de Hubert Charuel, le réalisateur, et de Claude Le Pape, la co-scénariste, salle bondée, avec une forte présence de gens concernés car éleveurs.


Le moins qu'on puisse dire, c'est que les 90 minutes furent agitées. Commentaires incessants et peu discrets dans la salle, rires pour le moins décalés (Le film n'est en effet pas dénué d'humour mais là certains spectateurs ne semblaient pas suivre au même rythme que les autres). Mais le mieux restait à venir : les fameuses questions-réponses une fois les lumières rallumées et les (maigres) applaudissements passés.


Et là, Monsieur Charuel n'a pas dû être déçu. Deux questions portant sur le cinéma ont semblé sortir de nulle part, tout le reste des échanges portant sur les cas personnels des spectateurs. Charuel n'était plus là en tant que cinéaste mais en tant que psy. Il devait s'attendre à défendre un film, il s'est retrouvé à se défendre d'avoir soi-disant signé une charge contre le monde paysan. Je suis habituellement en empathie avec ce monde, je l'ai vu disparaître, j'aime cette terre, je l'ai vue mourir. Mais là, je n'ai ressenti que gêne, et même tristesse face à des gens aveuglés, probablement par une réelle souffrance.


Quand on dit que le cinéma recèle toujours des surprises, on est encore loin de la vérité : voir un jeune metteur en scène, lui-même fils d'agriculteur, signant LE film de fiction qui montre enfin le monde paysan tel qu'il est, se faire mettre ainsi en accusation, on a frôlé le surréalisme.


Dans son film, Hubert parle à un moment de la paranoïa du paysan, il a au moins pu se consoler en constatant qu'il avait visé juste.


Indiscrétion : Depardon hésiterait à se pointer dans le Finistère pour parler de ses "Profils paysans".

Créée

le 23 sept. 2017

Critique lue 1.7K fois

39 j'aime

13 commentaires

takeshi29

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

39
13

D'autres avis sur Petit Paysan

Petit Paysan
Sergent_Pepper
7

Apocalypse cow

Petit Paysan commence par une scène onirique, qui mélange habilement le cocasse et l’angoisse, et semble un écho à celle qui ouvrait le fantastique Exercice de l’Etat de Pierre Schoeller : une entrée...

le 13 janv. 2018

79 j'aime

13

Petit Paysan
Grard-Rocher
8

Critique de Petit Paysan par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Nous voici transportés dans les paysages verdoyants de Dayes, un petit village près de Saint Dizier dans la Haute-Marne. C'est là que Pierre possède une ferme dans laquelle il s'investit énormément...

44 j'aime

31

Petit Paysan
takeshi29
7

Les (més)aventures d'Hubert dans le Finistère (Fin de la terre)

Je me méfiais un peu des critiques dithyrambiques de la presse nationale au sujet de ce "Petit paysan" car pour une bonne partie de ces médias influents, la campagne, c'est un peu le lieu où vit la...

le 23 sept. 2017

39 j'aime

13

Du même critique

Ernest et Célestine
takeshi29
8

Éric Zemmour : " "Ernest et Célestine" ? Un ramassis de propagande gauchiste "

"Ernest et Célestine" est-il un joli conte pour enfants ou un brûlot politique ? Les deux mon général et c'est bien ce qui en fait toute la saveur. Cette innocente histoire d'amitié et de tolérance...

le 15 avr. 2013

282 j'aime

34

Racine carrée
takeshi29
8

Alors, formidable comme "Formidable" ?

En 2010, la justice française m'avait condamné à 6 mois de prison avec sursis pour avoir émis un avis positif sur le premier album de Stromae (1). La conclusion du tribunal était la suivante : "A...

le 18 août 2013

259 j'aime

34