Un film à la fois réaliste et profondément touchant

Dans notre société actuelle, le terme « d’exploitation laitière » projette immédiatement une
connotation péjorative : des hangars bondés, où des milliers de bêtes numérotées s’entassent en
attendant la traite, sans une once d’humanité. Mais la dogma ne reflète pas forcément une réalité
absolue. Petit Paysan de Hubert Charuel en est l’exemple parfait. Il tire le portrait de Pierre, un
éleveur prêt à tout pour protéger son troupeau, menacé d’abatage préventif à cause d’une épizootie
dévastatrice. Le film répond parfaitement aux attentes que l’on peut avoir pour un jeune réalisateur
sortant tout droit de La Fémis. Proche de la tragédie, ce drame au réalisme documentaire est
l’alliance parfaite entre simplicité, force et émotion.

Un portrait réaliste et intimiste du monde agricole.

Le sujet de ce premier film d’Hubert Charuel n’est pas un hasard : lui-même issu d’une
famille d’agriculteurs, il est né et a grandi immergé dans une exploitation laitière. Sa connaissance
profonde du milieu se reflète indubitablement dans le long-métrage, qui nous offre une immersion
totale dans la vie de Pierre et de ses vaches. Ses travaux quotidiens, ses imprévus, ses angoisses, ses
dilemmes : il les partage avec nous. Son amour pour chacune de ses trente bêtes nous prouve que
contrairement à ce que son prénom indique, son coeur n’est pas de pierre. Cependant, ce prénom
illustre parfaitement sa capacité à tenir toute son exploitation sur ses épaules. Il reste solide comme
un roc, pour subvenir quotidiennement aux besoins de ses protégées. Tout cela en fait un
personnage très attachant, porté par la prestation tout en justesse de Swann Arlaud. L’aisance avec
laquelle il accomplit les différentes tâches au cours du film laisse penser qu’enfiler le costume de
« Pierre l’agriculteur » n’a pas été nécessaire pour l’acteur. Il n’incarne pas Pierre, il l’est.
La scène de la naissance du veau en est une démonstration efficace, et reste d’ailleurs probablement
une des scènes les plus mémorables du film.

Mensonge ou vérité : un dilemme moral.

Le principal conflit que vit le personnage, nous le vivons aussi. Doit-il révéler la vérité au
sujet de sa vache malade ? Il doit prendre une décision qui risque de le briser profondément. Son
troupeau, c’est toute sa vie. Ce sont plus que de simples animaux de ferme, c’est la seule compagnie
avec qui Pierre semble se sentir bien. Pas sa famille, pas ses collègues, pas la boulangère. Les
scènes avec le jeune veau vivant dans son salon, son malaise avec ses collègues, et son non-intérêt
pour la boulangère en sont la preuve. Il doit choisir entre révéler la vérité pour le bien commun, ou
mentir pour sauver la vie de son troupeau et par conséquent la sienne.