Les années 90 ont marqué le cinéma français en mettant en avant ce qu'on appelle les films de banlieue. Inspirés malgré eux par ceux, américains, des ghettos noirs, ces longs-métrages ont vraiment explosé avec la sortie de La Haine qui mettait immédiatement en dérision ces pseudo-gangsters des cités, faux méchants et vrais losers. Ont suivi les très violents Ma 6-T va crack-er et Raï ainsi que ce Petits Frères réalisé sans surprise par un Jacques Doillon toujours aussi proche des drames profondément humains...
Ici, on se rapproche encore un peu plus du malaise, le film mettant en scène des gosses, même pas encore des ados, des gamins rentrant à peine au collège et qui font déjà les pires saloperies : ils volent, ils se battent, ils rackettent, ils sucent, ils crachent. C'est dur. Et voir ces jeunes acteurs amateurs parler aussi mal et s'immiscer dans ces atroces situations ne fait que renforcer ce malaise. Porté par la très convaincante Iliès Sefraoui, Petits frères suit le parcours de Talia, nouvelle arrivée dans la cité et qui va se lier avec d'autres jeunes de son âge.
Mais les liens ne sont pas faciles dans ce milieu : tromperies, mensonges, vols, insultes, bagarres. Il faut y passer pour être accepté. Et le moins qu'on puisse dire c'est que Talia elle a des couilles pour s'imposer. Gorgé de séquences forcément difficiles, parfois à la limite de l'insoutenable, le long-métrage nous transporte dans un univers contemporain, véritable, effrayant, où les décors et les personnages sont à la limite du réel et non de la comédie.
Certes un peu longuet et parfois mal joué (rappelons que les acteurs sont tous de amateurs choisis sur la volée par Doillon himself), Petits Frères n'en demeure pas moins une impressionnante immersion en zone urbaine, ce monde rempli d'espoir où ne règnent que violence et laisser-aller parental. Comme un rappel à l'ordre, comme un miroir de notre propre réalité, le film nous laisser espérer le meilleur pour l'avenir de cette jeunesse décadente.