- J'ai le droit de faire ce que je veux de ma vie.
- La loi vous en donne le droit. L'église ferme hypocritement les yeux. Le monde moderne vous applaudit. Mais ma justice, car il faut qu'il y en ait une, vous a déjà condamné... Je serai désormais le bras d'une justice qui condamnera et exécutera sans pitié toutes celles qui se vautreront dans cette immense boue sexuelle qui submerge le monde.
Et quand je voyais ces types aux actualités, ces G-Men, je me disais: "C'est ça un flic"
"Peur sur la Ville" se présente comme un savoureux mélange des grands classiques cinématographiques du polar. Un cocktail de références où l'on retrouve la French touch de "L'Inspecteur Harry" et un clin d'œil à l'aura de "Bullitt", ce qui promet une sacrée virée dans un univers où les références s'entrechoquent et où le style des grands du cinéma policier est revisité à la sauce française. Réalisé et écrit par Henri Verneuil, ce thriller policier implacable au suspense palpitant nous maintient en haleine du début à la fin à travers une traque sans merci entre le commissaire Jean Letellier (Jean-Paul Belmondo) et le tueur en série Minos (Adalberto Maria Merli). Une chasse à l'homme en apparence simple avec ses airs caricaturaux, qui réserve pourtant bien des surprises. En tissant habilement l'enquête principale avec une autre affaire, celle du gangster Marcucci (Giovanni Cianfriglia), le film plonge l'inspecteur dans un tourbillon obsédant. Celui-ci, obnubilé par cette affaire secondaire, en vient à négliger l'enquête principale sur les meurtres de femmes, se retrouvant ainsi responsable des nouveaux crimes. La manière dont les différents éléments de l'histoire se rejoignent progressivement pour former un tout est un véritable atout. Un dédale subtil de drame dans un univers où la virilité domine, ce qui offre une intrigue à la fois astucieuse et cohérente. Les nombreux rebondissements et le jeu méticuleux des fausses pistes maintiennent un suspense captivant, ajoutant une profondeur inattendue à l'ensemble du récit. Bien loin de l'unique testostérone caricaturale, c'est bel et bien la subtilité qui se mêle à l'ensemble !
En plus de sa plume efficace, Verneuil nous présente une conception artistique remarquable, utilisant Paris comme une toile de fond sinistre. La vision qu'il offre de la ville est obsédante, dépeignant ses rues grouillantes, ses moyens de transport, ses enseignes imposantes, ses monuments emblématiques, ses panoramas grandioses et ses pièces les plus sombres. Des décors astucieux de Jean André appuyés par l'excellente photographie de Jean Penzer. Cette représentation visuelle unique confère à Paris un rôle à part entière dans l'histoire, créant une atmosphère singulière où la beauté se mêle à la froideur, engendrant un résultat à la fois toxique et ensorcelant. Cet environnement sert de cadre idéal à un éventail de scènes d'action spectaculaires. Les échanges de tirs, les poursuites en voiture et les affrontements avec le tueur en série sont exécutés avec une certaine réussite, injectant une bonne dose d'adrénaline dans le récit. Les scènes d'escalade, en particulier, apportent une dynamique singulière, surtout lors d'une séquence emblématique qui même aujourd'hui reste bluffant.
Débutant par une poursuite haletante sur les toits de Paris, cette scène offre des moments de tension et d'excitation vertigineuse, où Belmondo fait son sport ! Elle se poursuit avec une course-poursuite en voiture pour finalement culminer dans une escalade d'un métro lancée à toute vitesse. La maîtrise de cette scène demeure sans conteste l'un des atouts majeurs de "Peur sur la ville". À cela s'ajoute une réalisation de haut vol où Verneuil, avec une maîtrise remarquable, déploie une inventivité évidente dans la composition de ses plans, conférant une qualité cinématographique évidente. Un exemple marquant est la séquence où Minos étrangle l'infirmière Hélène Grammont (Catherine Morin), utilisant habilement un jeu de miroirs à l'intérieur de la porte d'un casier de vestiaire pour rendre son exécution. La bande originale, signée Ennio Morricone, vient enrichir l'ensemble. Sa musique est mémorable et renforce l'impact des moments forts et contribue à enrichir l'atmosphère de manière générale. Enfin, sur le plan technique, le seul défaut que je relève concerne les bruitages réalisés par Daniel Couteau, qui, bien que pas mauvais, pèchent lors des échanges de coups de feu.
Au niveau de la distribution, on se délecte du talent du casting, bénéficiant en prime des dialogues ciselés par Francis Veber. La performance de Jean-Paul Belmondo est indéniablement brillante. Son incarnation du commissaire Letellier déborde de charisme. Malgré le trait récurrent de la cigarette, presque sa signature, il incarne avec détermination un personnage par moments imprévisibles, offrant une prestation réjouissante. Il est brillamment épaulé par l'excellent Charles Denner dans le rôle de l'inspecteur Charles Moissac. Sans oublier Jean Martin, très convaincant dans la peau du commissaire divisionnaire Sabin. Une équipe si solide qu'on ne peut que regretter l'absence d'une suite. Catherine Morin, dans le rôle d'Hélène Grammont, apporte un éclat pétillant et une féminité bienvenue, tenant tête avec fougue à Belmondo. Enfin, Adalberto Maria Merli, incarnant Pierre Valdeck, alias Minos, le tueur psychopathe, dégage une aura effrayante, suffisante pour susciter la peur rien qu'au regard. Tout au long du périple, le face-à-face entre ces deux hommes est habilement nourri, offrant d'abord un point de départ pertinent constituant une base solide pour une conclusion sans compromis. Un antagoniste emblématique pour un héros emblématique.
Vous n'imaginez pas le nombre d'affaires de police qui ont été résolues par des corvées de chiottes.
Un discours de fond pro-pédophile ? :
Peur sur la ville résonne puissamment dans l'ambiance des années 70, une époque imprégnée par le tumulte du mouvement de libération des femmes. Cette période a certes ouvert la voie à des avancées sociétales majeures, mais elle a également laissé prospérer des pans obscurs et inquiétants, à l'image du discours pro-pédophile. Une infamie malheureusement enracinée dans la Révolution culturelle de Mai-68, soutenue par une certaine élite politique ainsi que par certains médias (honte sur toi Libération), et qui retrouve de manière alarmante une résurgence affligeante dans notre époque actuelle, là aussi masqué par des faux semblants. Pourquoi je vous parle de cela ? Et bien lors d'une séquence glaçante on expose l'explication avancée par un journaliste quant aux tendances meurtrières de Minos. Une théorie qui attribue ses actes criminels à une suppression de son expression sexuelle à l'âge de 12 ans, une période où les tumultes hormonaux s'expriment. En gros, privé de son expression sexuelle en raison de nos règles, ne pouvant avoir de rapport de sexuel, il a refoulé ses pulsions au point de devenir un tueur en série. Une justification insidieuse mettant en lumière les conséquences pernicieuses d'une telle privation. Que faut-il comprendre ? Pire, l'apothéose de cette dénonciation se trouve durant la séquence finale où Minos retient en otage une famille de la haute bourgeoisie. Au sein de ce foyer, une petite fille de moins de 10 ans est élevée dans un environnement qui encourage à cette permissivité, puisque les murs de sa demeure sont tapissés de photographies pornographiques de sa mère. Et dans ce contexte, l'apparente normalité règne, sans susciter de réaction choquante, à l'exception du tueur lui-même, dont on rappelle les paroles du journaliste affirmant qu'il serait devenu tueur en série en raison du refus de lui permettre des interactions sexuelles dans son enfance. Je réitère ma question : quelle signification doit-on en tirer ? Une réflexion cruciale s'impose alors à moi, à l'époque : Henri Verneuil dénonce-t-il avec une virulence satirique cette abomination en mettant face à la réalité le rôle des parents et celui du gouvernement, ou laisse-t-il une place à l'ambiguïté, voire à une possible normalisation de telles pratiques ? Vu l'intelligence du cinéaste, j'ai décidé d'opter pour le premier choix, j'espère ne pas mettre trompé.
CONCLUSION :
"Peur sur la Ville" de Henri Verneuil est une pièce maîtresse du cinéma policier français, nous délectant du début à la fin de sa proposition si particulière. Avec son intrigue captivante, ses scènes d'action inoubliables et un casting de talent, ce thriller nous plonge dans une atmosphère anxiogène du Paris des années 70, sublimée par la magie envoûtante de la bande-son signée Ennio Morricone. Verneuil réussit brillamment à tisser action, drame et suspense pour un résultat percutant inoubliable.
Un classique du polar français, suscitant des regrets quant à l'absence d'une suite.
Dans le fond, qu'est-ce que c'est que les muscles? Quelques grammes de gélatine durcie placée où il faut. Ça sert aussi quelquefois à faire des flics vivants.