« Phantom : The Submarine ». Sous ce titre tellement original, se cache l’un des plus beaux naufrages cinématographique made in Korea qu’il m’ait été donné de voir depuis fort longtemps.


Plouf ! C’est un coup d’épée dans l’eau pour Min Byung-Chun, qui débutait alors sa carrière.
Le film de sous-marin est un exercice périlleux. Les américains, grands spécialistes du genre, avaient à nouveau verrouillé le sujet depuis vingt ans, après le classique refondateur allemand "Das Boot".
«A la poursuite d’octobre rouge », « USS. Alabama », le moyen « K-19, le piège des profondeurs », l’excellent « U571 » qui renouvelait le genre, et enfin « Abîmes », qui y ancrait des éléments fantastiques, en sont les exemples les plus connus.
La question était donc de savoir ce que Min Byung-Chun pouvait apporter à ce sous-genre du film de guerre. Après avoir visionné le film de bâbord à tribord, avec ou sans commentaires audio du réalisateur, je dois bien avouer que la réponse est : rien.


Avec un budget ultra-light de 2,9 millions de dollars (en liquide ?) et une méconnaissance abyssale, mais cependant assumée, du sujet, le film est un très mauvais ersatz d'«U.S.S. Alabama ». Affrontement entre deux hommes, l’un voulant utiliser l’engin à des fins guerrières, l’autre pas.


Duel psychologique et distribution de mandales à huis-clos dans les hauts-fonds, le tout mis en lumière et en couleurs par un daltonien psychopathe, « Phantom : The Submarine » plonge en eaux très troubles, et aurait tout à fait pu s’intituler « Bienvenue au Macumba Club ». Car c’est un light show continu, un feu d’artifice chamarré, vous en prendrez plein les mirettes et tant pis pour vous si vous êtes épileptique.


Min Byung-Chun, pensant sans doute que les spectateurs sont des ânes, a eu la brillante idée d’utiliser des couleurs différentes pour éclairer ses personnages dans le but d’illustrer leur antagonisme.
Et hop ! Le méchant baigne dans une lumière bleutée, alors que le héros, qui se trouve à cinquante centimètres, est inondé de rouge. La scène suivante, on prend les mêmes mais cette fois-ci on inverse les couleurs. Et ça continue tout au long du film, tel un arc-en-ciel. On en a presque le mal de mer, surtout que les plans ne sont, bien évidemment, pas raccords du tout.
Mention spéciale aux scènes très amusantes dans lesquelles, lorsque le sous-marin penche, les acteurs restent pourtant droits comme des i.


D’ailleurs, qui dit « film de sous-marin » dit « effets spéciaux ». Ici, c’est le minimum syndical. Les infographistes en culottes courtes qui ont bidouillé les quelques plans immergés du « Phantom » ne feront pas carrière dans la profession, ou en tout cas pas chez nous…
On se croirait de retour dans les années 80, fausses bulles et maquettes Bricolo à verser au dossier. Non, vraiment, ça coule à pic. Tant et si bien que le réalisateur lui-même admet que son film, je cite, « laisse à désirer »...


Les acteurs, trop ou trop peu impliqués dans le projet ne font pas dans la demi-mesure.
Certains braillent, les yeux exorbités, d’autres prennent un air pénétré et ânonnent un texte inepte sans se rendre compte de l’énormité du scénario qu’on leur fait interpréter.
Scénario pourtant co-écrit par le réalisateur de «Memories of Murder», Bong Joon-Ho, (tout le monde a le droit de se planter), nous dit-on, comme si cela suffisait à légitimer le projet.


La Corée du Sud ne disposant pas d’un sous-marin nucléaire, le projet « Phantom » est ultra-secret. Tellement ultra-secret que tout son équipage est composé de militaires condamnés à mort. On ne nous expliquera cependant pas comment ils sont revenus à la vie, ou si leur exécution n’était qu’une mise en scène, mais ils portent tous un numéro, qui leur sert également de nom, vu qu’ils n’existent plus officiellement.


On imagine aisément la discipline régnant au sein d’une telle entreprise vouée à la quasi-autarcie.
Et bien détrompez-vous. « In the Navy », c’est beaucoup plus relax qu’il n’y paraît. Les matelots ont des états d’âmes, ça se saoule, ça castagne, ça papote autour d’un bol de nouilles, ça pose des questions top confidentielles et ça conteste les ordres sans arrêts.


En définitive on a plus affaire à une bande d’adolescents en uniforme qu’à des marins durs au mal. Ce qui ôte encore un peu plus de crédibilité à un film qui n’en demandait pas tant.
Cerise sur le gâteau, l’exaltation assez immonde du nationalisme coréen et anti-japonais, revendiquée par le réalisateur, mais, que voulez-vous, tout le monde ne peut pas avoir une conscience politique.


Inutile de nous attarder plus longtemps sur cette série B sans grand intérêt, si ce n’est de constater de quelles abysses Min Byung-Chun émergeait pour nous livrer par la suite un « Natural City », version coréenne de « Blade Runner », bien plus maîtrisé.

Tequila
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le 3 juin 2015

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