Possessions
La grande couture est une affaire d’orfèvrerie, un art délicat qui demande une minutie, un calme, un silence monacal. C’est dans cette vie-là, au côté de sa sœur Cyril, que Reynolds Woodcock a décidé...
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le 15 févr. 2018
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Dans le rôle d'un couturier dandy, torturé et maniaque, Daniel Day-Lewis semble incarner l'alter ego du réalisateur Paul Thomas Anderson. Phantom Thread ressemble vraiment à son réalisateur, à la fois étrange et splendide, magnifique et déroutant. Il y a du Shakespeare dans son cinéma, avec ses élans tragiques, son caractère grandiose (mais sans emphase), ses saillies farcesques, à la limite de l'absurde ou du pathétique. Il y a surtout, une grande compréhension de l'humanité dans ce qu'elle recèle de plus noir et de plus éclatant.
Dans le Londres des années 1950, Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis) est un grand couturier qui dessine les vêtements des personnes les plus importantes de la haute société. Sa sœur Cyril (Lesley Manville) veille avec grand soin sur ses intérêts, y compris ses maîtresses. Un jour, perdu dans la campagne anglaise, il fait l'heureuse rencontre avec Alma (Vicky Krieps), une jeune serveuse, belle, mais simple. Alma sera sa muse, puis sa maitresse, mais elle va rapidement s'apercevoir qu'elle passera toujours en second derrière sa passion de la couture. C'est pourquoi elle va essayer de le comprendre pour mieux l'hypnotiser.
Le couple Reynolds et Alma c'est l'archétype de la relation vénéneuse. Elle c'est l'empoisonneuse, sinistre et redoutable, femme de l'ombre, sournoise et habile. Lui c'est le caractériel, colérique et intransigeant, il n'accepte aucune contrariété ou contradiction. A tour de rôle, l'un comme l'autre peut se montrer possessif, jaloux, manipulateur ou abusif, physiquement ou émotionnellement, mais ces deux là sont prêts à accepter le mal qu’ils se font à eux-mêmes, car ils ne peuvent être heureux que dans ce modèle là. En tout cas, ils ne peuvent pas être heureux autrement. Pour Reynolds "l'homme torturé et maniaque", Alma c'est le masque d’oxygène nécessaire pour son épanouissement personnel. Pour Alma "la simple serveuse", Reynolds c'est un moyen d'échapper à la médiocrité de la vie qui lui était destinée de serveuse.
Paul Thomas Anderson a un talent certain pour la mise en scène et plus encore pour la direction des acteurs. Quand le sentiment et la parole ne sont transmises que par de simples regards, on touche alors à quelque chose de beaucoup plus sincère et c'est bien ça, la grande force du cinéma de Paul Thomas Anderson. Et puis, il y a de l'humour et un vrai sens de la dérision dans Phantom Thread, ce qui rend les personnages du film encore plus humain. Par contre et ceci malgré une direction artistique irréprochable, il me manque les longs travellings majestueux qui marquent sa filmographie (Boogie Night par exemple).
Phantom Thread est un film fourre-tout (qualités et défauts) qui traite de thématiques plutôt classiques telles que la perversion de l'artiste, l'artiste démiurge et capricieux, la manipulation et la jalousie dans le couple. C'est aussi un film qui aime mélanger les genres, le drame, la comédie, la romance et le film noire. Bref, avec Phantom Thread Paul Thomas Anderson nous propose une belle histoire d'amour, tordue et déroutante, peu facile d’accès, mais qui nous fascine malgré tout !
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de Paul Thomas Anderson, Les meilleurs films avec Daniel Day-Lewis, Les films à la meilleure photographie, Les films avec les meilleurs dialogues et Les meilleurs films des années 2010
Créée
le 25 janv. 2024
Modifiée
le 26 janv. 2024
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