Après une Jeune Fille de l'eau bien décriée, Shaymalan semblait cette fois-ci rentrer dans le bon vieux moule qui avait forgé toute sa gloire dans le Hollywood Game. Son démarrage pompeux nous rappelant toute l'imagerie de l'horreur d'un 9/11 est tout ce qu'il y a de plus classique, au point d'être souvent décrit comme la meilleure partie du film. L'el famoso terreau qui aurait pu montrer tout son potentiel...
"Une cause naturelle qu'on n’arrivera jamais à comprendre". Une fois de plus Shyamalan ne tarde pas à révéler les clés de son univers et la richesse de son personnage. Bien qu'extrêmement mal dirigé, Wahlberg incarne un professeur de sciences caractérisé non pas par sa capacité à transmettre des connaissances, mais par sa volonté d'en souligner les limites. Dès son apparition à l'écran, il s'efforce de stimuler l'imagination de ses élèves. De compenser les lacunes du savoir en ravivant leur foi en l'inexplicable. La sagesse humaine n'aura d’ailleurs aucune autre utilité que celle de l'ultime distraction avant le trépas, comme le soulignera l'une des scènes les plus poignantes du film.
Shyamalan se perd en cours de route lorsqu'il s'efforce de façonner une peur viscérale chez le spectateur en pensant user de moyens suffisamment indirects pour que leurs effets puissent tenir sur la durée. La peur a évidemment toujours joué un rôle central dans son cinéma, mais sa transmission au spectateur passait toujours assez subtilement par un jeu d'empathie avec les frayeurs de ses personnages; ainsi que par un certain goût pour la retenue et la suggestion. L'absence de la représentation du Mal, bonne idée au demeurant, est ici totalement ruinée par la vulgarité du dévoilement de son action et le dosage du pathos qui en découle.
Il y a par contre un beau jeu d'échelle dans le déploiement du phénomène. Un parc. Une ville. Une région. Un village perdu. Un groupe d'inconnu. L'individu. Son intérieur. Son coeur. L'invisibilité de la menace permet à chaque individu d'y projeter toutes ses psychoses, et surtout de révéler sa nature profonde. Phénomène n'est pas une fable écologique. Pas plus que ne l'est Les Oiseaux d'Hitchcock ou que Grave ne soit un film végane. C'est un film sur les rapports humains et le mutisme qui les entraînent à la dérive.
Wahlberg joue ici le rôle du "guérisseur" faisant émerger les émotions des autres. L'utilité de sa bague magique n'est en réalité qu'anecdotique. C'est sa confiance absolue en son prochain qui sera le moteur de leurs transformations internes. Celles de la petite fille puis celles de sa femme. Le contraste extrêmement violent avec les réactions des autres nous rappellera sans cesse cette nécessité de préserver cet état de pureté. Non l'Homme face à un environnement qui lui est hostile. Mais l'Homme face à la noirceur de sa propre nature. Le phénomène jouant le rôle de l'organe régulateur qui avertit, éprouve et inflige.
La "menace" ne pousse pas à l'isolement et à la séparation des hommes, mais, au contraire, à un état d'harmonie sincère et non calculée. Il n'est pas question de fuir, mais de se retrouver. C'est uniquement lorsque les personnages se feront face, dépouillés de toute autre chose que la force de l'amour, qu'ils pourront s'en extraire, survivre et vivre.
Dans son film précédent, Shyamalan faisait intervenir un homme seul, bombardé par les horreurs du monde qu'il voyait au travers de sa télé. "L'Homme mérite-t-il d'être sauvé ?" Il apporte ici une réponse partielle. Si la purge rentre dans un ordre naturel, il reste un infime espoir pour y échapper. Nous connecter sincèrement avec la nature profonde des autres. Épurer nos cœurs pour préserver notre espèce. Éteindre l'interrupteur de notre instinct de survie sans nous laisser ronger par la noirceur de notre essence. Une vision tout aussi naïve et simpliste qu'à l'accoutumée, mais qui a le mérite de ne pas écorner la sincérité du réalisateur.