Présenté comme une comédie dramatique, Photo de Famille semble s'être perdu entre ces deux genres totalement opposés pour ne finalement ressembler qu'à un vaste creux bien loin de l'humour et de l'émotion forte. Si le long-métrage se dote d'un casting solide aussi prometteur que charismatique, je suis sorti de la salle de cinéma avec un terrible goût d'échec. Soyons clairs : je n'ai absolument rien ressenti face aux scènes qui s'enchaînaient. La bande-annonce et le synopsis laissaient présager une ambiance intense aux sentiments hauts-en-couleurs mais, regrettablement, on s'approche plus du vide ennuyeux que des montagnes russes. C'est comme si Cécilia Rouaud s'était perdue au milieu de son récit, de son montage et de son écriture au point d'en contaminer la fine équipe qu'elle avait devant elle. Prévisible, saccadée et sans surprise, Photo de Famille est une déception qui fait mal au cœur au vu du champ de possibilités incroyables qui s'étendait devant elle.
La première chose qui nous frappe, c'est le manque cruel de légèreté et d'accompagnement dans les transitions. Les plans s'accumulent, les uns derrière les autres pendant 1h40, sans que cela n'ait vraiment de sens. On visualise des bouts de vies, des morceaux de récits, des parties d'un plan éclaté et éparpillé dont les pièces perdent peu à peu leur intérêt. J'ai eu énormément de mal à m'attacher aux personnages, à leurs failles et leur détermination justement à cause de ces enchainements laissés au hasard, presque mis bout à bout sans véritablement chercher à esquisser une fresque sensée. On a l'impression que le montage n'importe pas, qu'il faut juste fournir aux spectateurs quelques scènes clés pour le satisfaire afin de mieux l'engourdir à travers des visuels superficiels et insignifiants.
À cause de cela, les protagonistes (et même les acteurs qui les incarnent !) nous apparaissent comme inintéressants, communs au possible et sont bien loin de nous interpeller. Suivre leur quotidien est agaçant avant de devenir harassant. Ils ressemblent à des caricatures, parfois réduits à de simples enfants. Certes, cet effet esthétique aurait pu être touchant, mélancolique ou encore saisissant, mais il n'en est rien. Les héros semblent dénués de libre-arbitre, destinés à rester confinés et piégés dans les stéréotypes qui leur ont été conférés et qu'ils portent comme des fardeaux bien visibles à l'écran. Leurs dialogues tournent souvent au ridicule, tellement que j'ai été quelques fois gêné d'assister à un tel gâchis cinématographique. Une certaine scène avec des ramettes de papier m'a quasiment convaincu de quitter la salle noire tant elle devenait risible et était inutile à l'avancement de l'intrigue. Que les protagonistes doivent paraître hagards, destabilisés ou attristés au point de ne plus être eux-mêmes ou cohérents, je veux bien ; mais qu'ils soient si prévisibles et à l'origine d'échanges si creux et vides de sens, c'est au-dessus de mes forces. Les conversations sont répétitives et, même si elles se veulent pleines de nostalgie et de poésie par le biais de procédés stylistiques différents, elles résonnent surtout comme un cruel manque d'imagination et d'inventivité.
L'émotion, qui se devait d'être au cœur de l'histoire à mes yeux, est absente, à l'instar du véritable fil conducteur qu'on attendait tous. Claudette Walker, dans le rôle de la grand-mère malade perdant la tête, ne nous inspire rien : pas de joie, pas de peine, pas d'affection. C'est un petit pion supposé porter tout le film mais qui nous apparaît déjà comme un fantôme, un faux prétexte pour porter un intrigue prévisible et courue d'avance. De plus, et c'est là que Cécilia Rouaud fait très fort, l'utilisation de cette femme abattue pour rassembler Elsa (Camille Cottin), Gabrielle (Vanessa Paradis) et Mao (Pierre Deladonchamps) est une calamité. Le centre névralgique du film s'étire, prend beaucoup trop de temps et finit par nous lasser. Tout comme les différentes parties qui constituent ce film, les personnages sont trop distants les uns des autres et liés de façon disparate pour nous atteindre vraiment. Les efforts sont bel et bien là, les tentatives sont nombreuses, mais rien n'y fait : on se perd dans un dédale de non-sens et d'incohérences au lieu de se concentrer sur l'essentiel et les promesses basiques du film.
Les liens familiaux en temps de crise, l'amour fraternel à la limite de la haine, l'envol dévastateur de l'enfance perdue ou encore l'espoir de renouer avec un passé obsédant sont autant de thématiques ultra saisissantes qui auraient pu être exploitées afin de transporter les spectateurs, le tout sur fond humoristique et léger. Cécilia Rouaud en a décidé autrement en nous livrant des éclats désordonnés et inconséquents de quotidiens répétitifs. Tristement (et malgré eux), les acteurs en pâtissent et semblent lisses, insignifiants et ternes ; un comble pour un casting si talentueux. Si j'ai canalisé toutes les quelques forces que je possédais encore pour résister à l'appel doux et chaleureux du panneau "sortie" afin de découvrir ce que la conclusion du film avait en réserve, mes espoirs ont été lâchement abattus lors des derniers instants. La fin suit la même veine, sans surprise ou évocatrice d'un quelconque bouleversement chez le spectateur dépité. "Tout ça pour ça", voilà ce qui nous vient en tête à la dernière seconde.
En résumé, Photo de Famille est loin (très loin) de la comédie dramatique à la fois farfelue et déchirante à laquelle on est en droit de se préparer. Les héros sont incolores, les dialogues délirants de par leur morosité (voire même embarrassants au possible) et l'intrigue générale est aussi fade qu'elle est monotone. Évitez de vous asseoir près d'une sortie et préparez-vous à mettre vos nerfs à rude épreuve. Dommage que les beaux yeux de Marc Ruchmann (Stéphane) ne parviennent pas à remonter le niveau de l'intrigue (je me devais quand même de le mentionner quelque part).
Publié sur : https://motsdejo.wordpress.com/2018/09/11/photo-de-famille-cecilia-rouaud/