N'espérez pas du meurtre en série dans Photos interdites d’une bourgeoise, la bobine de Luciano Ercoli boxe en effet dans la cours du giallo psychologique. Il y est question de retournement d’esprits en série, de manipulations spirituelles particulièrement tordues, le tout orchestré en seconde intention par un allumé du bocal qui ne fait pas dans la finesse.
De quoi passer un moment sympathique, mais pas plus, il manque en effet un soupçon d’inventivité, et des enjeux un peu plus développés pour que l’histoire prenne son envol. En l’état, l’intrigue que développe Luciano Ercoli est aussi divertissante qu’elle est prévisible. Sans toutefois pouvoir anticiper le petit twist final, on parvient sans effort à reconstituer le puzzle mis en place par un cinéaste que l’on devine beaucoup plus intéressé par ses acteurs et les lumières avec lesquels il les sculpte que par l’envie de densifier un poil plus son script, lequel se cantonne donc à un petit mystère dépourvu de cadavres.
C’est dans sa mise en œuvre formelle, ainsi que la belle mise en valeur de ses personnages féminins —quoiqu’un peu sage (on se refait pas hein !)—que Photos interdites d’une bourgeoise attire l’attention. Des jeux de clair obscurs très graphiques permettent au cinéaste de faire monter la tension quand il ne joue pas avec les codes d’un érotisme suggestif, relativement singulier pour le genre, qui doit sa réussite aux deux sensuelles actrices qui le mettent en œuvre. Mais où le giallo est généralement une affaire de prises de vue en intérieur, souvent dans l’obscurité, Luciano Ercoli propose également de très jolis passages en extérieur, jouant avec la complémentarité de ses couleurs pour composer de la belle image : l’effort est des plus appréciables et permet de rendre le film très homogène.
Sans être la perle à découvrir en priorité, Photos interdites d’une bourgeoise est un titre que tout bon amateur de giallo se doit de griffonner sur sa watchlist. Outre sa forme généreuse et son petit twist amusant, chacun appréciera à sa manière la torture psychologique de l’infâme Simón Andreu (cette ganache !), la touche midinette fragile apportée avec grâce par la choupinette Dagmar Lassander, le stimulant jeu sensuel de Nieves Navarro et puis, bien entendu, vu qu’il est partout ce petit bonhomme là, la B.O. bien sentie du taulier Morricone.
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[6.5/10]