C'est intéressant de pénétrer les coulisses du concours international de piano Chopin, apparemment légendaire, et Pianoforte jouit à ce titre d'une valeur de documentation non-négligeable sur une institution dont j'ignorais à peu près tout. Le réalisateur polonais Jakub Piatek n'a pas observé les coulisses administratives et performatives comme l'aurait fait un Wiseman, mais plutôt les coulisses auprès de plusieurs participants venus du monde entier qui évoluent à travers les différentes phases de sélection de ce concours organisé tous les 5 ans à Varsovie. Pianoforte ne dit rien sur l'événement de manière explicite ou encyclopédique et préfère en esquisser les contours en suivant un petit groupe de concurrents, quelques jeunes pianistes italiens, chinois, russe, ou polonais.
Discipline de fer, talents incroyables, le documentaire capte tout cela mais passe aussi par la case des portraits intimes, chaque participant exhibant une personnalité et une préparation bien distinctes. Certains sont accompagnés de leur professeur, et c'est notamment le cas de Hao Rao dont la relation avec cette figure maternelle de substitution est sans doute la plus creusée et la plus émouvante. Piatek a retenu sur sa pellicule de nombreuses séquences différentes, les moments qui précèdent l'entrée sur scène, les moments de détente en ville, les moments où les résultats des différentes phases sont annoncés. On navigue entre chambres d'hôtel, salles de concert, couloirs vides, et bien sûr au milieu des innombrables répétitions qui semblent baigner dans une atmosphère d'anxiété profonde. Ce concours c'est l'objectif d'une vie, une épreuve à laquelle les centaines de participants se sont préparées pendant des dizaines d'années...
Une discipline d'ailleurs régulièrement dépeinte comme un sport de haut niveau, dans les entraînements physiques exigés, dans le travail de souplesse du poignet, dans la précision des gestes. Finalement le grand gagnant (Bruce Liu, du Canada) n'aura pas fait l'objet d'un portrait au même titre que les autres pianistes suivis dans Pianoforte, conférant à l'annonce des résultats finaux une dimension tragique pour tous ceux que l'on a suivis. L'une des dernières séquences musicales est la plus marquante, en termes de montage, au travers d'une superposition de plusieurs finalistes interprétant le même morceau, accompagnés d'un orchestre, révélant les différences subtiles (aux yeux et aux oreilles des profanes comme moi en tous cas) entre eux.
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