Ego Brique
Pourquoi écrire quoi que ce soit sur un film qui se suffit à lui-même, où tout est dit simplement par l’aspect même du projet…On est confronté à une évidence - une grande partie de la production...
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il y a 4 jours
Pourquoi écrire quoi que ce soit sur un film qui se suffit à lui-même, où tout est dit simplement par l’aspect même du projet…
On est confronté à une évidence - une grande partie de la production culturelle ne vaut même pas la peine d’être critiquée, car cela reviendrait à enfoncer des portes ouvertes ou à fournir une caution intellectuelle à un sous-produit qui n’exprime rien de particulier, ni sur le plan esthétique ni sur le plan de la réflexion.
C’est un peu le cas ici : les adeptes sont convaincus quoi qu’il arrive, tandis que les autres, ceux qui réfléchissent, n’en auront rien à faire ou riront de la mégalomanie et des rares gags qui ne sont pas complètement ratés.
La majorité de ce film est une des séances de branlette les plus grandiloquentes que j’ai vues, avec un ego aussi pendard que celui de BHL ou des films de Breen, peu importe que l’on juge ou non qu’il mérite d’être acclamé comme un nouveau messie. Le format LEGO, surtout, est exploité pour faire passer Pharrell pour un savant fou, un génie synesthète qui perçoit constamment d’autres mondes, invisibles pour nous.
Présenter la vie de Pharrell, sans grand défi ni drame, sous forme de LEGO, relève d’une tentative empreinte de réticences créatives et financières. C’est l’art d’un type dont la carrière consiste essentiellement à mettre son nom partout, sur des projets auxquels d’autres ont largement contribué davantage que lui, mais pour lesquels il reçoit tous les éloges (ce qui explique d’ailleurs pourquoi il est poursuivi par le véritable musicien des Neptunes, Chad Hugo) — et ce documentaire avec des têtes parlantes sur lui-même est réalisé par un documentariste d’un académisme simplet.
Ajoutez à cela une animation bien loin des standards établis par les films LEGO précédents au cinéma. Ici, elle ressemble davantage à une imitation de l’esthétique des films LEGO, rendue par des artistes de 3D sous Blender, plutôt qu’à un véritable film LEGO. Les expressions faciales sont moins dynamiques, l’éclairage manque d’audace, et les mouvements des personnages sont fluides et intercalés ; c’est atroce. Le résultat est une image figée et ennuyeuse qui déçoit.
De plus, il n’y avait aucune raison pour que Piece by Piece soit un film LEGO, à part le caprice d’un enfant-roi. Quelques tentatives pitoyables justifient maladroitement ce choix de médium, par exemple les chansons (ou peut-être les rythmes ?) représentées comme de petits assemblages d’éléments LEGO colorés, avec trois pièces. C’est surtout laid et confus, plus qu’autre chose. Une allégorie lourde et forcée.
Bien que Williams n’ait composé que des mélodies banales et insupportables dans l’histoire récente de la pop, le film les présente comme de profondes réflexions d’importance culturelle. Pharrell est à l’origine de certaines des pires bandes originales de films de l’histoire récente, et Piece by Piece en est un échantillon, avec un juke-box de ses chansons les plus populaires (surjouées) ainsi que quelques morceaux originaux, aussi médiocres que le reste de sa production.
Je me souviens d’une entrevue de Pharrell lors de la promotion de la bande originale de Spider-Man 2, où il la décrivait sans ambiguïté comme un chef-d’œuvre… La pauvreté de son discours pour articuler le sens de sa musique rend ce film pour le moins ennuyeux et exaspérant. Sa musique laisse déjà deviner son manque d’éloquence, mais ses monologues sur sa vie et sa carrière sont si enfantins et pompeux que je me suis surpris à m’interroger sur son succès (même si pas vraiment, en considérant le citoyen moyen…)
Bien qu’il n’ait rien à dire et aucune manière originale de le dire, il s’est imposé comme un acteur prolifique de l’industrie musicale. Ce qui est amusant, car le film célèbre l’industrie du hip-hop avec un ton humoristique et enfantin qui tranche avec l’image de certains artistes intervenant dans le film, et l’ombre gênante de P. Diddy, pourtant important dans la carrière de Williams.
La clé de son succès, que Piece by Piece expose sans détour, réside dans son énergie et une confiance inébranlable en son talent objectivement limité. Au fil du temps, il a réussi à convaincre suffisamment de gens qu’il était un grand artiste, sans piston, qu’il a gravi les échelons… Bref, typique d’un influenceur plutôt que d’un musicien.
Williams, bien que médiocre en tant qu’artiste, est une force irrésistible qui n’a jamais abandonné sa quête de vendre du “temps de cerveau humain”. Ce n’est pas profond, mais c’est impressionnant. Entendre des histoires de Williams sautant sur les bureaux de directeurs de labels, détruisant une relation pour conquérir sa future épouse, et bien plus encore, m’a fait réaliser la constante ultime de sa vie : s’il veut quelque chose, il l’obtient. La preuve ultime de cela est ce film LEGO, sans aucune justification, construit autour de son ego démesuré et de ses ambitions juvéniles. Un jour, Pharrell Williams a décidé qu’il voulait un film LEGO sur sa vie et il l’a eu. Certes, c’est le film le plus tiède, paresseux, chargé de placements de produits et de clichés de biopic jamais réalisé, mais il existe ! Étant donné la musique atroce que Williams a vendue, je sais que son sens artistique est très limité, et je n’ai aucun doute qu’il aime ce film, imaginant qu’il est important face à l’Histoire, comme BHL…
Tout du long, c’est comme si Pharrell Williams recherchait la sympathie ou des acclamations pour être si “créatif” et avoir réussi, alors que cela semble évident pour quelqu’un qui vit de son art, non ?
Parce que Pharrell est un marchand de la génération X, sans vergogne et adepte d’un consumérisme forcené, il semblait littéralement impossible pour le réalisateur d’éviter un segment où il est “distrait” par tous ses contrats de marque et “autres choses” (expression utilisée par une des têtes parlantes [LEGO] pour le décrire). Le film explique comment ces distractions plongent Pharrell dans un marasme créatif, qu’il surmonte finalement avec… la maudite chanson de Moi, moche et méchant et Dieu lui-même ! Incroyable ! Et nous avons même des petits Minions en LEGO…
Ensuite, il y a un bref montage en noir et blanc avec un LEGO de MLK au Lincoln Memorial. Puis, des flics LEGO affrontent des manifestants LEGO de BLM avec des pancartes « Hands Up, Don’t Shoot » et « Nous détestons les flics quand ils nous tuent déter».
On nous présente aussi, sans vergogne, qu’il a apporté le “street fashion” en Amérique, que, avant lui, les jeunes noirs ne faisaient pas de skate, qu’il est responsable du succès de tous les tubes qu’il a coproduits pour d’autres artistes, qu’il a composé l’hymne de BLM (et qu’il est devenu le révolutionnaire leader du mouvement grâce à son beat sur Alright), que les forces du cosmos et de Dieu conspirent pour lui permettre de partager ses tubes avec le monde…
Plus prévisible encore, Happy est traité longuement. Williams se comporte comme s’il avait inventé le concept même du bonheur et il est ému aux larmes par l’impact mondial de cette mélodie insipide, jusqu’à pleurer dans les gros bras d’Oprah… C’est tellement ridicule que le format LEGO arrive presque par inadvertance à en faire quelque chose de comique.
Quant aux défauts de ce film, je pourrais continuer indéfiniment, et j’ai déjà l’impression que c’est le cas. Je n’ai même pas mentionné les dialogues d’interviews pitoyables montés façon YTP, l’audio libre de droits partout, et les séquences hideuses de mode. Pièce par pièce, c’est vraiment atroce et un plaisir mesquin de voir ce qui pourrait être le dernier film LEGO en salle. Si le destin des films LEGO doit être une destruction de la part de Pharrell Williams, soit, mais j’aurais préféré un film LEGO sur Nicki Minaj (ou Kanye), personnellement.
J’ai aussi été surpris de voir à quel point ce film affiche une foi presque prosélyte. Non seulement Williams découvre sa passion pour la musique à l’église, mais il demande conseil à son oncle pasteur et il est suivi par un poisson orange géant chantant, censé être Dieu lui-même. En plus, vers la fin, Williams fait référence à une affirmation supposée indiscutable selon laquelle le monde a été créé. Chose assez rare dans l’animation, et dans le cinéma en général, pour être notée.
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il y a 4 jours
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