Choucroutes, Chantilly et jeux de massacre
Il faut bien avouer que le menu proposé par la bande-annonce n'était pas très alléchant mais le casting de première classe valait bien un chèque en blanc: Danièle Darrieux, Bulle Ogier, Hélène Fillières, Julie Depardieu, Jean-Pierre Marielle, Léa Drucker, Julie Gayet, Jérémie Renier, etc...
Et puis il y a le souvenir d'un film au vitriol et assez visionnaire des années 80: Que les gros salaires lèvent le doigt, (et Réveillon chez Bob) réalisé lui aussi par le digne fils de son père: Denys Granier-Deferre...
Donc, j'y suis allé, par curiosité et suis ressorti plutôt agréablement surpris, pour parler franchement.
Les atouts du film ne se situent guère du coté d'une mise en scène assez plate façon Prime time de France 3, mais le scénario vraiment très intéressant, les dialogues souvent cinglants et les acteurs tous exceptionnels donnent largement le change et font de cette petite comédie à la française un divertissement loin d'être déshonorant.
Granier-Deferre n'a rien perdu de son acidité et l'on est TRÈS loin de la bêtise crasse et de la mièvrerie de "Mariages" de Valérie Guignabodet, pour ne citer que ce qui a pu se faire de pire dans le genre.
Ce beau mariage bourgeois bien huilé, tullé, chapeauté et choucrouté à merveille se révèle rapidement être un nid de vipères autant qu'un sac de nœuds et le film se montre vite d'une salutaire cruauté notamment dans les personnages de Bulle Ogier (poilante), Dominique Lavanant (excellente !) et Julie Gayet (glaçante) et les premières scènes mettant en scène cette adorable petite fille trisomique qui ferait tâche sur la photo se révèle d'une acidité inattendue... Les dialogues assez fins et souvent ironiques viendront vite confirmer ce ton général du film. L'ambiance est davantage au règlement de compte à OK Corral qu'à l'harmonie rêvée de cette journée qui se doit d'être parfaite et le film dépasse même souvent son simple statut de vaudeville.
Mais la vraie et belle surprise du film vient dans un deuxième temps dans le développement d'une émouvante autant que surprenante histoire d'amour entre la géniale Danièle Darrieux et le curé qui assure le mariage joué (formidablement) par Jean-Pierre Marielle.
Le film prend alors - dans les yeux toujours si bouleversants de LA Darrieux - un virage à 180° vers l'émotion la plus pure, loin de tout cynisme et de toute ironie et le dernier quart d'heure croisant les destins de tous les protagonistes et notamment des deux sœurs, (Ogier et Charlotte de Turkheim), mais aussi de Léa Drucker (magnifique !), de Julie Depardieu, Hélène Fillières et surtout du jeune couple Jérémie Renier (toujours impeccable) et Clémence Poésy (fadasse au départ, touchante au final...) est une vraie réussite et montre un film qui traite vraiment son sujet, avec une belle honnêteté, une vraie cohérence, un bon dosage de comédie acide et de romantisme pas si rose bonbon.
Et puis, surtout, voila un cinéaste et un scénariste qui croient vraiment dans leurs personnages, et dans chacun d'entre eux aussi secondaire soit il.
Pas un seul n'est négligé, ni caricatural, même les personnages les plus accessoires au déroulement du scénario ne semblent pas des pantins au service du récit mais bel et bien de vrais caractères, avec une véritable épaisseur. Même parfois en quelques mots et une où deux scènes il réussissent l'exploit de donner vie à des personnages qui auraient été sinistrement pourris par d'autres filmeurs au bulldozer. Je pense notamment au personnage d'Alévèque si propice à la caricature du connard fini et qui s'avère finalement plus humain et complexe que cela... ou à ceux de Lavanant, De Turckheim, d'Hélène Fillières, de Louise Monot ou d'Eric Savin...
C'est si rare dans la comédie en général et plus encore dans la comédie française que l'on comprend mieux ce qui a pu motiver un casting aussi prestigieux à signer, même pour de si petits rôles, parfois pour tourner cette aimable et plutôt honorable comédie de mœurs.
Bien meilleure qu'elle n'en a l'air...