Les pontes de la Fox ne se sont pas rendu compte que Predator était un film d'auteur. Ils ont vu les chiffres et ont dit à Joel Silver : "C'est bon, ça, mon coco ! T'en aurais pas d'autres dans le genre ?" Or il se trouve qu'il est en train de développer un nouveau film d'action inspiré d'un livre de Roderick Thorp : Nothing Lasts Forever... Le titre est à revoir, mais les prémisses, un flic va-nu-pieds contre une meute de terroristes dans un gratte-ciel, sont là.


Le projet a déjà connu moult itérations, a été proposé à Sinatra pour des raisons de contrat ( il avait joué le rôle du personnage principal dans une adaptation d'un autre Thorp : Le Détective ), puis a été remodelé comme véhicule pour Stallone pendant un temps, et même Richard Gere a été envisagé ! ( Je n'ose même pas imaginer... )


Pressé de faire plaisir à la Fox et à son portefeuille, Joel se tourne vers McTiernan :
"- T'es chaud pour me refaire une bombe de film ? Dis moi de quoi t'as besoin...
- Je veux le chef op de Paul Verhoeven et le mec qui a monté "Robocop".
- Aucun problème : ils sont à toi !
"


Voilà comment, auréolé du succès de Predator et armé d'un concept béton, John McTiernan va révolutionner le genre. Jouissant d'une liberté totale au regard de la mise-en-scène, il va faire du tournage son petit atelier d'essais, multipliant les prises alternatives de chaque mouvement d'appareil pour voir au montage ce qui marche le mieux. Il imposera des flares, des coupes peu orthodoxes et même le script, révisé au jour le jour, cèdera une grande place à l'improvisation. La scène mythique de confrontation entre Gruber et McClane a notamment été décidée au milieu du tournage !


Mais le véritable coup d'éclat de McTiernan, on a tendance à l'oublier, va être d'imposer Bruce Willis en haut de l'affiche. Jusqu'alors star du petit écran, Bruce a tourné deux films de Blake Edwards sans succès et a du mal à convaincre. Mais McT perçoit en lui l'essence du personnage : "La souris qui fait un doigt d'honneur à l'aigle"
Et son personnage, il va le bichonner, lui imposer un tour de grand huit. De prime abord énième flic macho indestructible, McClane s'avère être une brute en mal d'amour, maladroite et têtue... pour au terme du film devenir une icône, ruisselante de sang et de sueur. Il ne commence pas le film indestructible : il doit le devenir !


Sa relation avec sa femme est plus que tendue : il ne leur faut pas cinq minutes seuls à seuls pour se crêper le chignon... McTiernan y voit une relecture du Songe d'une Nuit d'Eté : les amants sont séparés par un mauvais sort, et réunis à la fin de la nuit... Donc, tout comme Predator, Die Hard est de ces films qui mêlent muscle et cervelle sans jamais relâcher la tension.


Face à Bruce Willis, l'impeccable Alan Rickman vient jouer le chef du gang, dont la froide détermination n'a d'égale que sa malice. Le rôle lui a tant collé à la peau qu'il n'a presque plus fait que des méchants distingués, à Hollywood. Hans Gruber en devient presque sympathique... Ce n'est même pas un terroriste : il en a après le pognon !


McTiernan supportant mal l'idée de faire un film fun avec des terroristes, il transforme une bonne partie du métrage en caper. De là nait une singularité : le protagoniste, par définition, c'est Gruber. C'est lui le premier à agir, celui qui désire quelque chose... Et McClane est l'obstacle. Le poil à gratter. Notre empathie va évidemment vers ce dernier, mais malgré ça, on ne peut que frémir de joie quand les malfaiteurs parviennent à ouvrir le coffre...


Cette joie communicative est évidemment soulignée par Beethoven, dont Michael Kamen parsèmera les notes de sa partition de génie. Habitué à réorchestrer des classiques au sein de ses composition ( Mona Lisa, Brazil... ) Kamen est tout indiqué pour composer la musique, d'autant qu'il a déjà collaboré avec Silver sur Lethal Weapon.


On a déjà tout dit sur la maestria de McTiernan, sa façon de clarifier la géographie comme personne ( Ah, cette astuce géniale du poster de playmates ! ) et de souligner une intention ou une émotion par un mouvement de caméra... Alors il ne me reste qu'à exprimer ce que j'ai ressenti moi quand je l'ai découvert sur Canal+ en 1990. J'avais vu et adoré Die Hard 2 en salle, et quelques semaines avant j'avais dévoré Octobre Rouge deux fois de suite... Du coup, en lisant "un film de John McTiernan" au générique, j'ai fait une connexion de premier ordre : "réaliser" ne se résume pas à crier "Action!" dans un mégaphone... C'est poser sa patte, imprimer la pellicule de son âme.


J'ai par la suite suivi sa carrière religieusement, et si j'ai fini par préférer de peu le troisième Die Hard (sans doute à cause de tous les connards qui ont tenté l'approche "cinéma-vérité" en faisant de la merde), le premier a quelque chose de pur, d'essentiel, au regard du 7è art. Au terme du métrage, le spectateur ne peut qu'accepter les plus grandes invraisemblances ( et là, je parle du retour de Karl ) simplement parce que leur absence causerait du tort au film, créerait un manque...


Etant à la fois l'héritage de ce que le cinéma mondial avait à proposer à l'époque et la matrice de toute une flopée de suiveurs, il a marqué les esprits plus qu'aucun autre...
Si un extra-terrestre me demandait ce qu'est le cinéma, je lui montrerais Die Hard.

mikeopuvty
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le 4 juin 2013

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Mike Öpuvty

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