Lounge against the marines
Haywire, ça commence très bien. Une espionne dans un rade paumé en bordure d'une espèce de forêt enneigée façon Canada qui se voit confrontée à un type qu'elle semble connaître et qui lui balance froidement son café bouillant à la tronche avant de la dérouiller en plein milieu du bar. Channing Tatum fait la brute avec un accent bien forcé, ça cogne sec, c'est impeccablement chorégraphié et l'actrice est pas mal du tout. En plus elle s'enfuit en bagnole avec un des ados de Red State, l'acteur a quasiment la même tenue et le personnage est identique à celui du film de Kevin Smith, c'est cool. Et quand elle commence à lui raconter en flashback pourquoi le fils du panda bouffi vient de lui faire manger à peu près tout le mobilier du bar avant de lui tirer une balle dans le bras, y'a Ewan McGregor, Micheal Douglas et Antonio Banderas qui discutent dans le même bureau d'une mission secrète en Espagne.
Et d'un seul coup on sent Soderbergh revenir au galop, vu que la mission en question qui met en scène une fusillade minutée et des otages en Espagne est balancée tout en gimmicks, avec une musique qui couvre tout le bruit de l'action. C'est un récit, d'accord, mais alors pourquoi nous faire speeder l'essentiel, la mission, pour mettre autant de temps à faire une simple course poursuite avec des plans dans tout les sens sur l'héroïne qui court en ligne droite ?
Bah c'est pas méchant, et y'a une autre mission qui démarre immédiatement avec pour coéquipier un écrivain Irlandais qui est joué par Micheal Fassbender. En plus il s'appelle Paul, et ils doivent faire un faux couple dans un grand château. C'est dommage qu'à chaque fois que Madame fasse quelque chose qui ne requière pas la parole Soderbergh nous bassine avec sa musique lounge-électro-branchouille-mes-couilles qui prend le pas sur absolument TOUT. Et quand y'a une scène silencieuse dans un recoin du château où elle ne devrait pas être et qu'il y a Matthieu Kassovitz en Afghan gentiment flippant qui risque de surgir à tout moment, le silence dure dix secondes et après LOUUUUUUNGE pendant un quart d'heure. Mais jusque là ça se laisse suivre hein, c'est après que ça merde.
Parce qu'en fait on se rend vite compte qu'à défaut d'avoir un polar intéressant on a une série B des plus basiques avec une mise en scène de luxe et un casting génial... sur un scénario façon téléfilm qui tiendrait sur un post-it. Du coup comme le scénario est bateau faut bien mettre un peu de remplissage, alors on met une scène de course poursuite urbaine qui a l'air d'avoir été improvisée sur le lieu de tournage et qui prend quinze plombes, avec de la plongée, de la contre plongée, des travellings en veux tu en voilà, et comme c'est mou on rajoute une scène de bagarre dix secondes et on repart de plus belle. Et enfin on avance un peu, le moindre tournant de l'histoire se devine sans difficulté et la seule chose que Soderbergh semble avoir à dire c'est "T'as vu ? C'est pas parce que c'est une tête d'affiche qu'il ne peut pas mourir hein ?". La seule scène vraiment intéressante revient étonnamment à Bill Paxton, qui aperçoit dans la pénombre toute la sauvagerie dont sa fille est capable, et qui en un seul regard véhicule le supplément d'âme dont le film était jusque là totalement dépourvu. Et puis bon, quand le mec qui se sait pourchassé part faire un tour à deux kilomètres de sa planque dans un endroit désert après avoir dit à son garde du corps de rester à l'ombre et de finir sa clope, vous m'excuserez mais ça me fait un peu rigoler quand même, et le final non franchement j'aime pas.
Ça se laisse regarder, y'a de bonnes choses comme la course poursuite en voiture dans une forêt enneigée, mais n'est pas Robert Ludlum qui veut. Et c'est surtout incroyablement vain et très agaçant. Je suis gentil parce que l'actrice est très bien, que les décors sont jolis et qu'à un moment Micheal Fassbender boit de la Guinness dans un pub. Mais c'est vraiment dispensable.