Oubliez Rapace, Carano est la femme forte de l'année.

Il y a peu Steven Soderbergh nous donnait une grosse leçon de cinéma avec son Contagion, dont l'histoire était d'un convenu sans égal, nous montrant à quel point la mise en scène était l'essentiel pour faire un bon film. Après avoir rendu ce sujet maintenant presque inabordable pour le moindre réalisateur qui voudrait s'y aventurer, le voilà qui s'attaque à l'actioner mené par une femme forte, un domaine dont on a vite fait le tour, allant du jouissivement débile façon Au revoir à Jamais au presque parfait avec Hanna, tout en passant par le médiocre avec Salt.
Une nouvelle fois le cinéaste s'appuie sur un scénario usé, avec son agent doublé pour de l'argent et des méchants qui ont tellement la tête de l'emploi que l'on sait très vite quel sera l'aboutissement de l'aventure. Mais, patte de l'esthète oblige, Piégée en impose instantanément dès la première grosse scène d'action, qui est un coup de maître en terme de direction, de photo (assurée par le réalisateur, comme d'habitude sous le nom de Peter Andrews) et de montage, alternant entre noir et blanc et couleurs, englobée d'effets sonores inaudibles, effacés par une musique lounge aux tons smooth jazz, fusionnant à la perfection avec les images. Une osmose répétée tout au long de la pellicule et qui une nouvelle fois nous prouve à quel point Soderbergh sait s'approprier un genre et lui donner un second souffle, tout en s'attachant au moindre détail afin de faire de son produit quelque chose d'unique et de jamais vu.

Oubliez les minettes filiformes, car le réalisateur a opté pour Gina Carano, une actrice qui n'en est techniquement pas vraiment une, puisqu'elle vient du milieu du kickboxing et du MMA. Un choix d'autant plus judicieux que Soderbergh peut se permettre de molester son personnage féminin sans prendre de pincettes; c'est simple, tandis que Fassbender ne se mange qu'un canapé lors de leur affrontement, elle a en revanche le droit d'avoir la tête frappée un peu partout, en plus d'être violemment projetée à travers un écran plasma.
C'est vrai que taper sur une femme est une vilainie, mais lorsque le personnage l'exige et qu'il est capable d'offrir de la crédibilité à la chose, c'est tout de suite plus intéressant, et permet une immersion bien plus réussie qu'avec des films comme Salt.
Une liberté permettant en plus de longs plans fixes allant parfois jusqu'au plan-séquence, ce qui est impossible avec les actrices habituelles; pas de shaky cam, pas de doublure, un découpage minimaliste, autant d'éléments qui nous donnent l'impression d'y être, Soderbergh dirige, Carano exécute, une osmose directeur/acteur comme l'on en voit rarement dans le film d'action.
De plus Carano a cette rage naturelle dans le regard, celle du combattant, qui fait qu'elle n'a même pas besoin de jouer la comédie pour être crédible, et sait même se montrer bien plus convaincante que la plupart des actrices qui l'ont précédé. Pas forcément une grande comédienne (l'avenir nous le dira), mais un rôle qui lui va comme un gant et qu'aucune jusqu'ici n'a su interpréter d'une telle façon (ceci étant ne vous attendez pas à de longs monologues, Carano n'est pas là pour être Oscarisée...). Les moins fans du personnage auront cependant une armée de seconds rôles en charge des dialogues, Ewan McGregor, Michael Fassbender, Michael Douglas, Antonio Banderas, Channing Tatum, du casting mode « self-service » comme souvent chez Steven.
Piégée est donc la nouvelle bombe de Soderbergh. Violent, froid comme Contagion, il se montre envoutant, palpitant, tel le serait le plus épique des récits d'histoire narré par le plus compétant des profs d'histoire de FAC.
SlashersHouse
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste [CINE] Le meilleur de 2012

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le 13 juin 2012

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