Pieles produit par Alex de la Iglesia est le tout premier long métrage de Eduardo Casanova. A travers une galerie improbables de freaks comme autant de portraits encadrés dans des moulures roses bonbons et des paillettes fuchsia, le cinéaste nous interroge sur la notion de beauté et sur la place des êtres différents dans nos société. Le film est surtout un véritable ofni entre la farce grotesque, le drame social et le fantastique qui sans tenir toutes ses promesses offre un spectacle pour le moins étrange.
Dans une société futuriste nous allons donc suivre les destins croisés de divers personnes comme une prostituée sans yeux, une naine qui joue dans un programme TV pour enfants, une femme obèse, une jeune fille avec la bouche et l'anus qui sont inversés, un garçon qui rêve de devenir une sirène , une femme dont la moitié du visage semble avoir fondu, un homme au visage brûlé et quelques autres curiosité.
Le moins que l'on puisse dire c'est vraiment que Pieles est un film à part qui joue la carte du grotesque et de la provocation pour interroger le propre regard du spectateur sur la difformité et la laideur. C'est d'autant plus perturbant que le réalisateur ne propose pas un regard misérabiliste, ni morale, ni larmoyant sur ses personnages, prenant même parfois ouvertement le choix de se moquer d'eux dans leurs travers les plus ridicules comme lorsque la femme avec la 'anus à la place de la bouche souffle ses bougies d'anniversaire. Le film ne semble jamais prôner l'amour universelle, la compassion et la tolérance de tous, mais juste dire que chacun doit trouver sa place et de ce fait prétendre à sa part du bonheur. Dans ce contexte souvent dénué de morale la place de certains monstre du film reste douteuse, du moins sujette à discutions et problématique comme celle de ce père aux penchants pédophiles qui n'est jamais vraiment clairement juger pour ce qu'il est. Le film qui fait parfois penser à du John Waters, flirte avec l'humour scatologique et la provocation pour mieux éprouver le regard du spectateur tout en prônant finalement des valeurs très positives d'amour de soit pour provoquer l'amour des autres. Pieles reste un film pour public averti qui brasse tout en tas de thématiques lourdes (parfois trop pour la légèreté du film) comme la pédophilie, le viol, la scarification, le suicide et la mort.
Il faut ensuite saluer l'univers graphique du film qui baigne dans des teintes douceâtre de rose bonbon délavé et de fuchsia. Le soin du cadre est très rigoureux et bon nombres de plans du film se construisent sur des principes de symétrie avec encore une fois un travail d'équilibre de la couleur très pointilleux. Dans des univers assez mornes et ternes le film propose souvent des images avec des touches de couleurs d'objets et de lumières parfaitement équilibrées à l'écran qui font qu'incontestablement Eduardo Casanova est un artiste monomaniaque et rigoureux. Dans ce contexte de célébration des différences , de la laideur et de la monstruosité on pourras aussi regretter que le réalisateur est choisi d'enlaidir ses acteurs et actrices comme Macararena Gomez ou Jon Kortajarena plutôt que d'aller chercher de véritables gueules cassé en leur offrant une visibilité et un droit d'exister sur grand écran.
Pour moi qui adore les films perturbants, qui vénère les freaks de toutes sortes et qui trouve que la beauté se cache partout, Pieles ne pouvait que me séduire. Pourtant je trouve que le film, qui reste attachants sur bien des aspects, rate un peu sa cible et ne raconte finalement pas grand chose.