Piggy évolue dans un monde de mal-aimants. Elle s'accommode pourtant si bien de sa lourdeur. Son complexe viendra des autres. Le filles du quartier l'insultent et la malmènent, les habitants l'accusent d'être à l'origine de disparitions de jeunes adolescentes et sa mère lui renvoie maladroitement en pleine figure son physique peu engageant. Grosse et forcément coupable, battue par ses pairs, elle devra, victime, en prendre la responsabilité par le regard qu'on lui porte. Seuls les hommes semblent se défaire des diktats physiques.
Sa rencontre avec un inconnu, étrange et mutique, sorti de nulle part et prêt à l'extraire de son milieu, (Richard Holmes) pointera parfaitement les émois amoureux d'une jeune femme qui en est privée. Naviguant dans une sorte de songe ou de cauchemar éveillé, à nous de choisir entre le fantasme d'une jeune femme dérangée et peut-être par l'incarnation de son double, ou la réalité d'une rencontre salvatrice mais radicale. Une relation toute de silence, de regards et d'attentes, à la fois intense, dangereuse et séduisante, mais qui poussera la jeune femme au dilemme, en jouant parfaitement de l'ambiguïté de son personnage. Mais comment réagir face à ce psychopathe avéré mais amoureux, prêt à éliminer tout ceux sur son chemin, quand le poids d'une éducation demande à se soumettre aux hommes ou quand le harcèlement reste impuni, se soumettre aux lois. Témoin des enlèvements Piggy en prend facilement son parti, moins par vengeance que par un repos bien mérité, lorsque elle abandonnera les filles à leur destinée délétère, reprenant ainsi la main sur la sienne.
Pereda prend le temps de poser son contexte et opte pour des ruptures de tons, entre moments d'absences, sévices subis et ballades bucoliques d'une jeune fille profondément seule. Sa seule amie soumise au groupe, pointe par son incapacité à la soutenir, le pouvoir de l'émulation. L'enquête policière ne sera pas le point central, tout comme l'étalage de scènes excessives évitées au début au profit du cheminement mental de Piggy.
La réalisatrice filme son actrice sous tous les angles, révélant bien souvent par ses simples expressions les sentiments qui la traversent, tout en silence et révolte contenue, son visage poupon et innocent, sa perplexité face à son miroir et la mise en valeur de son corps, par un regard bienveillant pour dénoncer la grossophobie, même si les personnages sont poussifs. Les filles qui inlassablement vont la traiter de cochonne, si elles démontrent leur limite intellectuelle, leurs personnages rendent l'introduction parfois grossière.
Pereda dont c'est le premier film, reprend sa trame d'un court métrage Cerdita, avec la même actrice (Laura Gàlan) et sur le même sujet, qui laissait présager du délire jubilatoire tout fictionnel de l'assassinat légitimé et d'autant plus défouloir.
Mais en reprenant les trames usuelles par un retournement de situation aux scènes sanglantes surprenantes, la résolution attendue retombe comme un soufflet par son curieux sursaut d'empathie.
Si le début du métrage séduit par son flou ambiant et la suite décevante, reste une tentative audacieuse pour une liberté enfin acquise et celle du choix d'une adolescente passant violemment à l'âge adulte.