Novembre 1980. Mon oncle m'offre un double album vinyl à la couverture énigmatique : un mur de briques, sans aucun texte. La découverte est à l'intérieur : Pink Floyd The Wall. J'ai 15 ans, mon anglais est approximatif, je ne comprends pas toutes les paroles, mais me laisse emporter par la musique lancinante du groupe.
De ce que je comprends à l'époque, cet album monstre représente la prise de pouvoir absolue de Roger Waters sur le groupe. Quasiment tous les morceaux sont écrits uniquement par lui ("Run like hell" et "comfortably numb" sont co-écrits avec Gilmour). Malgré ce constat, force est de constater la qualité de l'ensemble. Les médias vont nous matraquer avec le morceau "Another brick in the wall, part 2", mélangeant prises de vue réelles et animation. C'est là que j'apprends l'existence d'un certain Gerald Scarfe, caricaturiste anglais. C'est lui qui a fait le design de l'album (ses dessins perturbants à l'intérieur de la pochette), et qui collaborera sur le film.
Quoi ? Un film sur The Wall ? Raide dingue à l'idée de voir des images sur la musique, je me suis rué en salle à la sortie du film. Et, mes aïeux, quelle claque ! Du lent travelling dans le couloir d'un hôtel, à la séquence finale avec les enfants jouant au milieu de débris, j'ai été emporté par la vision du réalisateur Alan Parker.
Le fait que les paroles soient sous-titrées m'a enfin fait comprendre toutes les chansons, et surtout le fait que Roger Waters avait déjà écrit l'histoire dans son album. Le réalisateur a mis en images le délire paranoiaque de l'artiste dépressif Pink Floyd, appuyé par les visions cauchemardesques de Gerald Scarfe, à l'animation aussi fluide que dérangeante. Le point d'orgue étant la séquence du tribunal, où la vie de Pink est passée au crible par le président de la cour, un énorme ver représentant la culpabilité de l'artiste.
Combien de fois ai-je vu ce film au cinéma ? Quatre ou cinq fois peut-être, et à chaque fois j'ai plongé dans l'ambiance dépressive de l'histoire, pour finir lessivé mais heureux. Car à la fin le fameux Mur finit toujours par sauter, symbolisant l'ouverture au monde.
Malheureusement, pour Roger Waters, l'enfermement médiatique ne fera que commencer. Mais ceci est une autre histoire...