On se rappel encore de ces images de fantasmagorie dans ce film de Marcel Camus réalisé en 1959, les images du Brésil de cette époque, un peu rêvé, fantasque, entre la découverte exotique et le reflet contraire de l’Occident clinquant. Propulsé dans les mythes européens, comme un nouveau theatre antique pour les auteurs en vogue, ce chef d’œuvre qu’est ORFEU NEGRO vainqueur d’une Palme d’Or. Ce film figurant au Panthéon des chefs d’œuvre du septième art est une obsession en soi, figuratif et festif, incroyablement beau et novateur, cette adaptation libre du mythe d’Orphée et Eurydice transposé dans les favelas et le carnaval de Rio est une fresque sublime d’un monde fantasmé qui attend encore que le voile de l’irréel lui soit retiré pour enfin dévoiler sa réalité, sa triste existence teintée de misère et de violence.

Loin, très loin des favelas joyeux, magnifique dans sa pauvreté comme dans ORFEU NEGRO on retrouve donc PIXOTE, petit film brésilien réalisé par un documentariste qui s’illustre dans la fiction vérité très cru. PIXOTE est pour ainsi dire le film qui le place sur une estrade visible, lui donne une certaine notoriété dans le cinéma politique avec ce film très accrocheur tant il transpose une vérité interdite, honteuse, une vérité qu’il est nécessaire de mettre au jour. PIXOTE est un film social, documentaire fictionnel sur la perte de l’enfance donc de l’innocence d’une bande de morveux des favelas de Sao Paulo. Pixote est un petit garçon abandonné ou perdu dans un établissement de redressement pour garçon en compagnie de la pire racaille de l’Amérique du sud. L’enfant est le témoin des horreurs des nuits cauchemardesque de l’endroit ou règne la loi du plus fort, les jeux d’alliance, le racket et le viol entre garçons. Dans une ville gangréné la corruption de sa police et de ses dirigeants, il suinte de l’image l’odeur du foutre et des ordures, le directeur de l’établissement, un bon vivant ou calife obese a l’allure de parrain sicilien qui considère les enfants comme du bétail, un business fait de trafic et de prostitution de mineur. Pixote et sa bande d’amis n’ont plus d’autre choix que de s’évader de cet enfer terrestre, ces mauvais garçon, traumatisé, dégénéré et sans repère errant dans la ville, entre vol a l’étalage et racket. L’histoire de Pixote est celle d’un Dickens latino, une rencontre morbide et décadente entre Oliver Twist et Peter Pan. Les garçons perdus ne vont plus au pays imaginaire mais les favelas, la fée clochette a des allures de putain qui s’auto-avorte dans des toilettes crasseuses et jette le fœtus dans la poubelle, c’est visible, c’est là, à l’écran, dans les esprits, dans l’histoire du petit Pixote.

Après les multiples coups de poings que donne le film vient le temps du bilan, du recensement des peurs et des images délivrées par le film. La volonté documentaire du film est évidente, elle n’est pas cachée, ainsi le film s’ouvre sur un commentateur façon reporter de guerre devant des favelas, les pieds dans des ordures, délivrant un discours sur les conditions de vie de la population brésilienne, très jeune, très pauvre. Le cinéma a depuis la sortie de PIXOTE digéré cette réalité, cette avant-garde brésilienne du cinéma. Les destins de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants vont etre la nouvelle vitrine du cinéma vérité-fiction, sur la réalité ultra-violente de ces enfants. Le cinéma accouchera ainsi d’un film demeuré un chef d’œuvre du genre, sans la moindre concession sur la réalité, la violence, la politique, plus critique encore que PIXOTE, plus cinématographique aussi, LA CITE DE DIEU de Fernande Meirelles qui date de 2003 fut un événement de l’année. Demeurant une référence en la matière, le film pose une marque forte sur le cinéma et les consciences, qui existe toujours, jusqu’à monopolisé le genre et mettre le film visionnaire PIXOTE à l’index. Mais c’est pour le meilleur, car bien que la réussite de PIXOTE soit incontestable sur le fond, la forme laisse entrevoir un film qui tient plus du reportage que du cinéma. Malgré des propositions intéressantes au service d’une cause, ses artifices bien trop souvent spectaculaire et mélodramatique laissent dans la gorge du spectateur une certaine nausée. L’interprétation, visiblement amateur, est un autre point fort du film. Et ce n’est pas un hasard si le film tient aussi grâce a son acteur principal, cet enfant Fernando Ramos Da Silva qui fut découvert par le cinéaste dans les rues, venant lui-même de ces favelas, le retour à une vie civile fut très difficile, outre les difficultés rencontrer par tous les enfants-star, pour un délit qu’il commit il fut considéré par les médias du pays comme un délinquant irrécupérable et exemplaire de la racaille des favelas, c’est pour finir dans des conditions douteuses que l’interprété de Pixote meurt tué par la police à 19 ans. Aussi, malgré le succès international de LA CITE DE DIEU, c’est le petit Pixote qui est un symbole au Brésil de ces enfants martyrs. Le réalisateur du film, très engagé se démarque de ses collègues, pour la plupart dans le mouvement cinématographique du NOVO, inspiré par le Néo-réalisme italien et la Nouvelle Vague française, ce cinéma brésilien qui conjugue la fiction au réel, la politique à la technique cinématographique est une transcendance de ce qui a été fait plus tôt en France et en Italie. LA CITE DE DIEU est devenu le modèle du genre NOVO, là ou PIXOTE est un symbole plus grand, plus mature aussi, l’étincelle qui a permis de mettre en lumière la nuit noire qu’est la vie des enfants des favelas.

Créée

le 30 mai 2022

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