Les nostalgiques invétérés et ceux qui portent des lunettes roses font grand cas des films passés du duo Bacri-Jaoui, sur le mode : c'était mieux avant ! Faux : Bacri -Jaoui, ça a toujours la même bouillie tiède et fade, célébrée par le beauf éduqué qui croit qu'être cynique remplace l'intelligence. Un temps sauvés par leur partenariat avec le génial Resnais qui réussit à faire de beaux films joueurs à partir de leurs cauchemars neurasthéniques, Bacri-Jaoui reviennent à leur consternante médiocrité avec ce triste "Place Publique", machin informe, sans idées, sans rythme, sans direction d'acteurs et surtout sans "cojones" : la manière incroyablement lâche dont le film suggère, puis évite un basculement vers la violence, qui aurait eu le mérite de le faire sortir de son chemin bien pensant tout tracé, est tout simplement honteuse. Honteux, l'est tout autant le mépris envers la jeunesse qui n'est pas "fils de..." que distille nombre de scénettes clouant au pilori des personnages caricaturaux littéralement indignes.
Si "Place Publique" échappe finalement à son destin de film détestable, c'est bien parce qu'il est impossible de haïr Bacri lorsqu'il fait du Bacri, et aussi parce que Lea Drucker réussit, elle, à faire vivre son personnage au delà des clichés. Et bien sûr parce que les trois dernières minutes - alors que défile déjà le générique de fin - sont absolument magiques : l'évocation intense du superbe "Osez Joséphine" de Bashung nous lave les oreilles après tant de variété sirupeuse (sans même parler de l'imitation de l'insupportable Yves Montand !), et nous fait regretter d'un coup le film que Jaoui aurait pu faire, en filmant simplement Bacri ainsi, loin de toute prétention à vouloir nous parler de je ne sais quoi quant à l'état de notre société.
[Critique écrite en 2018]