J'apprécie le cinéma de Christophe Honoré en général mais je reconnais que sur ce coup-là c'est bien la curiosité qui m'a poussé à aller voir son dernier film. Ayant appris que l'histoire, très largement autobiographique, se déroulait en partie à Rennes au début des années 90, c'est en tant qu'ancien étudiant rennais de cette même période que je m'installais confortablement dans les fauteuils du cinéma du TNB comme Marty McFly dans sa machine à remonter le temps : en route vers le passé !
Bien m'en a pris.
D'abord parce que le film est d'une très grande justesse cinématographique tant dans la mise en scène que dans la direction d'acteur, Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps et Denis Podalydès (parfait en contre emploi) donnant le meilleur d'eux-mêmes. Bien qu'abordant très directement la question du SIDA au travers du personnage de Jacques, le film ne tombe jamais dans le pathos, au contraire même : légèreté, humour et lumières estivales habitent le film. On rit beaucoup, autant que l'on s"émeut, dans des scènes d'une belle authenticité.
Mais je dois surtout à cette séance, le plaisir inédit d'une situation où fiction et réalité se sont entrecroisées de façon particulièrement troublante. Je guettais en effet depuis le début de l'histoire toute image se rapportant à notre capitale bretonne, intrigué par la façon dont Christophe Honoré avait reconstitué la Rennes des années 90. Ce jeune Arthur bien que très différent de ce que j'avais pu être comme étudiant, n'en était pas moins une sorte d'alter égo, une sorte de double projeté dans l'espace temps. Je l'observais donc avec cette curiosité mi-sévère, mi-indulgente que l'on peut porter sur son propre passé. Et voilà qu'à la 20ème minute du film environ, à l'occasion d'une scène de nuit, le personnage de Jacques apparait dans la rue St Hélier et s'approche...du TNB (Théâtre National de Bretagne). Frissons dans la salle, c'est le bâtiment où nous nous trouvons, là, en ce moment même à regarder le film ! Puis on le voit entrer dans le bâtiment. Puis grimper ces escaliers si familiers, ceux-là mêmes que nous avons empruntés quelques minutes plus tôt. Et contre toute attente, le voici qui entre dans la grande salle sur l'écran de laquelle un film est en cours de projection... Moment incongru où l'espace du cinéma rejoint celui du spectateur. Pensée fugace pour Mia Farrow dans la Rose Pourpre du Caire qui voyait son héros lui parler depuis l'écran. et douter de la réalité. Même sentiment d'étonnante étrangeté. Mise en abyme vertigineuse qui valut à la plupart des spectateurs de se retourner pour vérifier que Pierredeladonchamps ne se tenait pas là, derrière nous, prêt à s’installer dans un fauteuil.
La magie du cinéma !
Histoire/scénario : 8/10
Personnages/interprétation : 9/10
Mise en scène/réalisation : 8/10
8.5/10