Critique : Planes (par Cineshow.fr)
Après le très médiocre Cars 2, film d’animation exploitant l’univers de Cars à des fins purement mercantiles, Pixar avait dû se racheter une conduite pour montrer combien cette anomalie était le fruit d’une digression malheureuse et non d’un changement de cap fort. L’histoire a montré entre temps que même si les nouveaux films Pixar ne peuvent tenir la comparaison avec leurs chefs d’œuvre d’antan, le niveau avait été quand même un peu ré-élevé. Sauf qu’avec le rachat de Pixar par la firme de Mickey (que nous adorons par ailleurs, mais qui aime bien châtie bien), l’idée de l’arrêt d’une franchise aussi lucrative en produits dérivés n’avait pas vraiment de sens pour le service comptable. Changement de label (on passe de Pixar à DisneyToon Studios), et hop, nous voilà reparti pour un tour avec Planes, le monde de Cars vu d’en haut. Une élévation inversement proportionnelle à la qualité du long-métrage, Planes étant une sorte d’aberration totale, un film daté tant par la qualité générale de l’animation que par le discours d’un autre temps que l’on tente d’inculquer à nos chères têtes blondes. Un constat de quasi effroi lorsque l’on constate que le projet fut initié et supervisé par John Lasseter, l’un des papas de Pixar et surtout, un véritable génie reconnu de toute la profession.
Avec Klay Hall à la tête de ce projet (on lui doit La Fée Clochette et la Pierre de Lune), on savait par avance que la cible n’était pas vraiment les adultes, et que les niveaux de lecture seraient relativement réduits. Le studio essentiellement connu pour ses réalisations à destination des plus petits par le biais de spin-off issus d’univers déjà établis (on leur doit les différents films Clochette, tous les numéro 2 (Tarzan 2, Bambi 2 …)) reprend donc à son compte l’univers de Cars pour l’étendre à ce qui pouvait de prime abord sembler une idée plutôt judicieuse, les avions. Mais les moyens mis à disposition par le studio sont évidemment sans commune mesure avec les budgets des Pixar annuels et le gap qualitatif s’en fera cruellement ressentir. A vrai dire, ce n’est pas tant la perte de qualité de la forme qui se révèle être le plus choquant (même si à l’œil nu on sera capable de voir les redondances de personnages lors des passages où une foule est simulée), les contraintes économiques étant facilement compréhensibles même si le budget est estimé à 50 millions de dollars. Ce n’est même pas non plus la simplicité dramatique de l’histoire, avec sa narration rectiligne en entièrement calquée sur celle de Cars que nous remettrons en cause. Ici, un petit avion épandeur rêve de participer à une course réservée aux avions de voltige. Pour réussir cet exploit, il s’entoure d’une bande d’amis dont les traits sont stricto sensu les mêmes que les personnages secondaires accompagnant Flash McQueen : le benêt sympathique, le vétéran, la française etc…
Non, le point véritable abject de Planes, c’est son fond, la fameuse morale que l’on nous assigne en fin de long métrage, celle que les enfants assimilerons sans s’en rendre compte, simplement parce que les petites personnages à l’écran son foncièrement attachants. Sans spoiler l’histoire (même si les secrets sont tout relatifs), Planes se conclut sur cette belle morale qu’un bouseux ou un plouc (ces termes sont employés) qui devient un vrai dur peut intégrer l’US Air Force pour être un vrai champion, tandis que les perdants deviennent les bouseux méprisables que l’on peut insulter à foison. Très élégant. Ajoutons à cela un propos franchement machiste dans les différents rapports aux femmes du récit, une collection de clichés absurdes (l’avion mexicain, lorsqu’il parle en mexicain, ne fait qu’énumérer les plats locaux) et une réalisation pas vraiment au niveau de ce que l’on serait en droit d’attendre d’un film aérien (aucune vraie utilisation de l’espace ou des libertés offertes par l’absence de contacts avec le sol), et vous vous retrouvez avec un long-métrage de très bas niveau, simpliste, et franchement nauséabond par ce qu’il véhicule.
Il est entendu que l’argument « mais c’est pour les enfants » sera celui que l’on nous balancera lorsque nous, vilains adultes viendront avec notre regard plein d’aigreur critiquer cette « belle » histoire. Mais sous prétexte que nos têtes blondes n’ont pas la possibilité d’avoir notre recul, et qu’elles se contentent de personnages colorés et sympathiques, cela suffit-il ? Pas certains… L’apogée de cette horreur (car il faut dire les choses comme elles sont) interviendra lorsque le conditionnement des enfants pour les vraies motivations du projet commencera à se dévoiler. Car foncièrement, les recettes du film, même en deçà des attentes, seront rattrapées lors de sa sortie en vidéo. Non, Planes est avant tout un argument marketing pour vendre du jouet et du produit dérivé en masse. Et quoi de mieux que de commencer la pub dès le film ? C’est ainsi que l’on retrouve l’une des petites dépanneuses de l’équipe de Dusty (l’avion que l’on suit) en vendeur de goodies, de répliques d’avions, de mugs ou de fanions, hurler à qui veut bien l’entendre que tout est déjà vendu tellement le succès est au rendez-vous ? Osé quand même… On passera sous silence que Disney Cartoon s’est également largement inspiré des Minions de Moi Moche et Méchants pour ses petites dépanneuses, sidekick de Cars devenu un personnage décliné à toutes les sauces et empruntant les mêmes mimiques que les petits bonhommes jaunes du studio Français.
Sur le papier, Planes avait de quoi intéresser, même avec les contraintes de base qu’on lui connaissait. Animation minimaliste, histoire classique et reprises des bonnes recettes d’ailleurs, on aurait été prêt à tout accepter si tant est que le film ne se crashe pas dans une morale absolument insupportable. Difficile dès lors de trouver des points positifs à cette entreprise désastreuse, son semi-échec au box américain Américain pouvait être malgré tout une forme de réconfort (le film affiche quand même à l’heure actuelle des recettes de 121 millions de dollars à travers le globe). Un temps prévu en direct-to-dvd, Planes arrivera en France le 9 octobre prochain mais sachez qu’une suite est d’ores et déjà prévue : Planes – Fire and Rescue…autant dire que vous n’avez pas fini d’entendre parler de Dusty et de ses potes ailés.