Nous vivons sur une planète qui fournit de l’oxygène à environ 680 millions de personnes ayant visionné le clip de Gangnam Style sur une plate-forme de diffusion vidéo bien connue. Pendant ce temps là, de multiples groupes lobbyistes pro Justin Bieber, choqués que le record des 700 millions de visionnages détenu par leur protégé soit sur le point de se trouver pulvérisé d’ici à la fin du monde (décembre 2012) prédite par une civilisation de trollers décimée —à laquelle plus d' âmes en peine qu’il n'en faudrait accordent autant de crédit qu’en la parole divine (jamais authentifiée, plus que controversée)—, se mobilisent en masse, développant une énergie et une rage surhumaine, trop fatigués par ailleurs pour achever leurs études et/ou prendre les décisions dont leur existence anecdotique mériterait de bénéficier.
La planète interdite, c’est la nôtre.
Si je vous dis Eastman Color, robot en caoutchouc à tête d’ampoule, soucoupe volante, tableau de bord rétro futuriste, matte painting, trucages optiques ou dessinés, décors en plaquo carton, maquettes ou futurisme naïf ; vous comprenez, j’espère, qu’il s’agit d’atouts charme. Vous comprenez, j’espère, que ce n’est pas tout.
Si je vous parle de cinémascope, de traitement sonore expérimental, de musique électronique avant-gardiste, d’intrigue et de mystère, de réflexion sur le pouvoir de la science et sur la nature humaine ? Et que dites vous du mythe de Prométhée et autres allusions à la mythologie grecque, de notion de psychanalyse, et de réflexion sur la civilisation —développement, ascension et chute compris ?
Tiens, c’est bizarre de finir par admettre qu’un robot rondouillard tel que Robby, si facilement risible de prime abord, finit par revêtir une dérengeante aura de golem : inquiétant, imprévisible et mortel. Si bien qu’il figure toujours parmi les figures robotiques les plus emblématiques du panthéon de la SF (pas loin d’un certain Gort).
Et nul doute que Verhoeven s'inspira au moins de loin de l'histoire de la planète interdite du titre pour ficeler la mythologie digressive de son Total Recall.
Par contre Leslie Nielsen, capitaine Kirk du pauvre, arrête ton char(me), de toute façon la fille du savant fou refoulé elle t’aime pas pour ta mèche blonde ; c’est juste qu’elle n’a jamais vu le loup.
Bref, au milieu de cette franche camaraderie et de ce machisme sous jacent de touriste interstellaire qu’empruntera plus tard Star Trek, voici un film intriguant et parfois captivant, à l’atmosphère étrange et dépaysante, ce qui en soi constitue une réussite. C’est parfois crétin, certes, mais souvent mignon (évoquer Dieu et ses talents de créateur tout en allant explorer d’autres mondes habités…).
Mais surtout, la puissance de son message se révélait déjà, et se révèle encore, incroyablement et tristement pertinent. Juste après les premiers champignons dans le ciel, et bien avant Justin Bieber (carrément), son propos renvoie à la décadence de nos civilisations, amenées à périr par péché d’orgueil, ramenant à l’Homme sa nature bestiale et primitive grimée de sophistication mensongère.
Putain, du carton patte qui fait réfléchir ; ça vaut pas 700 millions de temps de cerveau disponible. Imaginez tout ce glucose et cet oxygène gaspillés à ne rien comprendre.