Il est très difficile de bien représenter l’industrie pornographique au cinéma tant sont facilement actionnables les deux leviers de l’indécence, à savoir d’une part la morale manichéenne et d’autre part la complaisance dans les dégradations faites aux acteurs et surtout aux actrices. Paul Thomas Anderson y parvenait avec brio dans son Boogie Nights (1997) parce qu’il conjurait ces deux tentations au profit d’un point de vue doublé d’un soin porté à la peinture d’une époque, c’est-à-dire d’une réflexion sur l’Histoire.
Il n’en est rien ici, et Pleasure alterne les dialogues pompeux sur la libération de la femme et le contrôle du désir masculin permis par le porno avec une réalisation volontiers trash qui se repaît de la plastique de ses actrices et de verges en érection, suivant l’idée selon laquelle nous assisterions aux coulisses d’un spectacle au demeurant peu attractif dont l’unique intérêt serait réaliste. Il faut faire vrai, donner l’impression que la réalité est dévoilée dans sa crudité fondamentale, alors que tout est « mise en scène » et que de mise en scène il n’est question que par échanges interposés entre deux gifles ou autres plaisirs contractuels, scènes pertinentes.
Nous aurions aimé un questionnement plus grand sur l’image et sa construction, sur le consentement et la transformation d’une personne en personnage ; en lieu et place, nous suivons la pauvre Suédoise dans une prise de pouvoir qui n’atteste, en somme, que le triomphe d’un microcosme masculin sur des femmes réduites à des corps-objets. Qu’elle est loin la transgression esthétique d’un The Neon Demon (Nicolas Winding Refn, 2016) qui infuse mal ici par l’héroïne prête à tout et son récit d’apprentissage sur fond de rivalité entre femmes. Reste une immersion éprouvante dans une industrie qui attire à elle des individus soucieux de devenir et qui assistent à la conversion de leur rêve de gloire en cauchemar.