Poetry : un poème douloureux et tragique.

J'ai toujours eu du mal avec les films asiatiques. Je ne suis allé voir celui-là que parce que plusieurs de mes amis me l'avaient recommandé et que les critiques étaient excellentes. C'est en effet, esthétiquement parlant, un très beau film, tout en esquisses. En le voyant, on a l'impression de voir un poème s'écrire devant ses yeux, mais un poème tragique, douloureux. Mija, avec sa candeur et sa faiblesse, cette sorte de fragilité et de pureté qui fait aussi sa force, est émouvante autant que la société dans laquelle elle vit est répugnante. En effet, cette société, sous ses aspects soignés et policés - on ne peut se rencontrer sans un sourire accompagné d'une courbette - est, dans son hypocrisie, abjecte, et bien pire que la nôtre, qui n'est déjà pas un modèle ! Ce qui m'a le plus choqué dans le film, ce n'est pas la scène où Mija se livre au vieil homme pour de l'argent, mais celle où la mère de la jeune-fille morte se roule au sol aux urgences de l'hôpital sans que personne ne fasse le moindre geste pour la réconforter, comme si ces gens, corsetés dans des traditions artificielles depuis des générations, étaient figés dans le temps et n'avaient pas compris que le monde dans lequel ils vivaient a changé.

Certes, Yoo Jeong-hee, l'actrice qui incarne Mija est magnifique, les cours de poésie (après ce film, on ne regardera plus une pomme ou un arbre de la même façon...) et les images donnent-elles envie de rejoindre cette pureté d'un paradis perdu, comme dans un rêve inaccessible. Mais ici, le rêve, malgré ses aspects feutrés, tranquilles, est en fait un cauchemar comme souvent, il est vrai, le sont aussi les rêves...

Curieusement, je n'ai pas été ému par ce film. Il ne m'a pas "parlé". On ressort de "Poetry" plus meurtri et révolté qu'apaisé et l'on se dit qu'où qu'on soit en ce bas-monde, le mal est toujours présent, hélas, qu'on veuille ou non l'inviter à sa table, et que c'est l'être humain qui en est le principal responsable.


Le film a été sélectionné en compétition officielle pour le Festival de Cannes 2010 où il a obtenu le Prix du scénario. Personnellement, j'aurais aussi donné un prix d'interprétation à l'actrice pour son jeu tout en finesse et en retenue.
Roland Comte

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