Le culte tient finalement à bien peu de choses, quand on y pense : des belles gueules, une époque, la mode qui va avec, et on vous emballe un petit polar un peu mal fagoté sous les oripeaux d’une classe nouvelle.
Point Break a clairement vieilli : il porte en lui toute une imagerie 80’s assez pesante, des filtres bleus aux personnages caricaturaux, des chemisettes aux chevelures d’un goût douteux, des répliques testostéronnées au jeu globalement pathétique des comédiens. On peut s’en amuser, vibrer au son de cette B.O qui suinte bon l’Amérique, et ne pas attendre grand-chose d’autre.
Utah, coincé du fondement, livre une partition crypto gay qui ne dit pas son nom, et qui de fait ne va pas desserrer la couenne deux heures durant. Bodhi, gourou en plastique, serait plus convainquant dans une pub pour les laboratoires Schwarzkopf que dans son discours alter du pauvre.
Seulement voilà, reconnaissons-le, il y a aux commandes une femme qui a quelque chose à dire avec sa caméra. Dès l’immersion dans les bureaux du FBI, on peut faire fi des dialogues éculés pour se concentrer sur la mise en scène, et tout fonctionne : nervosité, fluidité, occupation de l’espace. On retrouvera cette tension lors de l’assaut de la maison, par un savant montage entre l’extérieur et l’intérieur, qui conduit à des malentendus et un carnage que seul le spectateur savait évitable. Cette omniscience parfaitement gérée, Kathryn Bigelow la prolonge dans une course poursuite traversant jardins, maisons et vérandas, avec une efficacité redoutable, durant laquelle on est prêts à tout oublier, tout pardonner.
Finalement, ces chutes dans le vide, ces braquages masqués, ces motos et ces vagues, ces discours moisis ne sont que des prétextes, des leviers pour la naissance d’une grande cinéaste, qui s’exprimera par la suite avec une retenue de plus en plus maîtrisée. Il semblerait qu’il fallait en passer par là. Une trajectoire passionnante, et un retour aux sources d’une véritable leçon de mise en scène, capable de transcender les limites de son sujet.