Polar est déconseillé aux moins de 18 ans sur Netflix, même si le petit logo rouge ressemble davantage à un produit d’appel qu’une dissuasion.
L’idée de se faire un petit film d’action comme on se ferait un burger aux hormones n’est pas en soi désagréable. On repense à John Wick et sa régression quasi auto-parodique assumée, et on se rappelle avoir souri, presque sans honte, de la même façon qu’on fait semblant de ne pas remarquer la graisse animale qui nous lubrifie le gosier à chaque bouchée de la junk food.
Si l’on devait filer la métaphore culinaire pour qualifier Polar, il faudrait imaginer un magnum trempé dans de l’huile de vidange, enrobé de frites et lardé de tranches de bacon nappées de guacamole monté à la chantilly. Un truc plutôt suspect, donc.
Puisqu’ils ont carte blanche, c’est le buffet à volonté de tout ce qui pouvait être considéré ailleurs comme une limite : des putes, des seins, de la coke, de la torture à la pince, du gore, des pipes, des obèses criblés et giclant sur les tireurs, des enfants, des couleurs saturées que ne renierait pas le chef op de Spring Breakers, un montage qui ferait passer Guy Ritchie pour Bela Tarr, des split-screen, des bruitages qui mettent toutes les jauges dans le rouge, un méchant qui se oint de crème, une équipe multiraciale et qui change de garde-robe à chaque plan, rien nous sera épargné. Pas même le cauchemar flash-back imbitable jusqu’à la résolution finale en forme de vague twist à la saveur d’un Sodebo oublié sur une aire d’autoroute un dimanche d’août.
Polar se veut méchant, il n’est une offense que pour le cinéma. La manière dont il pense régler son compte à John Wick (en tuant un chien qui pouvait devenir un plagi- clin d’œil) en dit long sur la posture du produit, et sur la naïveté avec laquelle il remplit son cahier des charges : on va plus loin que tous les autres et on satisfera les besoins d’un public désœuvré qui cherche un petit shoot de sucre sur son canapé.
Le film se veut choquant, il l’est : non par sa vulgarité immature et criarde, mais par la bêtise avec laquelle il est conçu. Le trip régressif de la Série Z est un sous-genre en soi au cinéma, qui peut amuser (John Wick, donc, ou Jack Reacher, voire certains Robert Rodriguez), à condition, et c’est assez paradoxal, qu’il fasse l’objet d’une démarche enthousiaste. La généralisation des bouses s’assumant comme telles, ou jouant des codes parce qu’il y aura toujours du public à gratter (en mode Asylum) relève d’un cynisme qui nuit grandement à l’amusement juvénile qu’on peut trouver dans les bas-fonds du septième art.