Il est de bon ton de mépriser les remakes en hurlant à la trahison de l'oeuvre originale. Il faut dire que la plupart du temps, les Contempteurs de Remakes n'ont pas à trop se mouiller, la médiocrité des remakes parlant d'elle-même (ô cruel remake de The Haunting de Robert Wise, comme tu m'as fait mal, et je ne parle pas de Wickerman, véritable sacrifice d'une icône sur l'autel de la médiocrité crasse et de la mécompréhension de l'oeuvre originelle, entre autres exemples).
Pour certains cas, comme pour le décrié et pourtant loin d'être aussi médiocre que certains veulent bien le chanter sur tous les toits Evil Dead, injustement ravalé au rang de torture porn, là où le film choisit avec intelligence de ne pas faire du Evil Dead en ne s'inscrivant pas dans la perspective de dérision de la série, et de mettre en avant le sadisme maléfique des entités invoquées à travers les sévices infligés aux corps possédés. Personnellement, je trouve ça plutôt malin et malgré les défauts du film et la potentielle trahison de licence aux yeux des fanboys, je le défends.
Ici, on est encore dans un autre cas de figure, à la fois le plus risqué, et le plus légitime, puisque ce Poltergeist se veut une adaptation de l'original produit par Spielberg - dont l'ombre pèse de toute sa hauteur sur le film, faisant partiellement la nique au réalisateur "officiel" du film, Tobe Hooper, l'auteur du chef d'oeuvre Massacre à la Tronçonneuse -.
Adaptation fidèle qui plus est, en gardant intacte la structure du film, ses thèmes, ses scènes-clés. Et l'original est déjà pas simple en matière de positionnement. On trouve les obsessions de Spielberg, son commentaire sur la famille quasi systématique dans son cinéma avec le père qui peine à assumer son rôle car homme-enfant, et son amour du conte, du fantastique, aboutissant à une sorte de film entre deux eaux, dansant entre l'horreur, la vraie, le conte, le fantastique, l'épouvante, la comédie familiale, le drame, bref, un film à la fois très précis et pourtant difficile à circonscrire, à faire rentrer dans des cases.
Il y a peu, j'avais écrit une critique de l'original après l'avoir revu suite à deux critiques d'éclaireurs dont je respecte les goûts qui affirmaient qu'il avait vieilli. Vous l'aurez compris, je ne suis pas d'accord, et j'aime le premier Poltergeist, probablement mon premier film fantastico-horreur (enfin 2eme si l'on compte les Yeux de la Forêt) qui m'avait tant séduit par son idée de mondes superposés, d'intersections, et terrifié, aussi, un peu.
Bref, tout ça pour dire que la tâche n'est pas simple, adapter une oeuvre qui a marqué sa génération. Et pourtant, cette adaptation est une réussite.
Bon nombre de critiques du film bachent à cause de ses clichés téléphonés et ses jump-scares.
Non, non et non! Les jump scares sont loin d'être le ciment du film, bien que particulièrement putassiers pour certains, mais c'est vraiment dommage de s'arrêter à ça. A croire que certains ont maté le film juste pour pouvoir bitcher dessus "tu vois, j'en étais sûr, c'est de la merde", excellente disposition d'esprit pour rentrer dans un film, quel qu'il soit.
Mais c'est surtout contre cette histoire de clichés que je m'insurge. On a affaire à un REMAKE qui manie des ARCHETYPES qui se sont imposés au gré de la production cinématographique en tant que tels! Forcément, le postulat de départ est galvaudé, c'est inévitable! Mais reprocher à Poltergeist de ne pas être original dans ses thèmes, c'est comme reprocher au punk de ne pas avoir assez de solos de guitare, ça n'a juste pas de sens!
Les acteurs sont bons, la famille, ses problèmes d'argent, les relations entre les membres sont finement agencées, le réalisateur ayant le bon goût d'avoir beaucoup recours au non-dit pour poser le cadre familial. Par exemple, la scène du retour du père, visiblement un poil éméché, suite à la déconvenue des cartes bleues en dit plus long qu'il n'y paraît sur contexte de la famille, ses relations, ses problèmes, et s'accorde en plus d'être un pivot de l'intrigue, justifiant le fait que le gamin ne soit pas écouté lorsqu'il veut raconter son expérience traumatique surnaturelle.
Un gros bon point, bon nombre de films du genre se vautrant à cet égard.
L'introduction de l'élément fantastique est excellemment dosé, ne jouant pas sur les clichés habituels du genre ( vous savez, le classique "seuls les enfants voient les trucs bizarre et les adultes ne les croient jamais, jusqu'à la dernière demi heure du film" qu'on nous jette à la tête 9 fois sur 10), et faisant honneur à l'original qui avait lui aussi évité cet écueil. Comme dans un Fulci, l'élément surnaturel est là, bien en place, indéniable!
Les défauts du film sont donc d'autant plus rageants, en particulier le connard de l'équipe de chercheurs qui doute alors qu'une chaise a volé de dessous ses fesses, qui vit un truc traumatisant mais qui n'est pas foutu d'en causer alors qu'il est justement là pour identifier ces incidents.
Ca cabotine un peu trop du coté du pseudo-prêtre aussi, je trouve, ce qui rend la seconde moitié du film moins juste que la première.
Au rang des défauts, on regrettera aussi un coté trop "explicite". Lorsque les esprits se déplacent par exemple, ils excitent les appareils électriques, et bon, on suit leur parcours au millimètre près, c'est un poil trop net, trop précis. Idem pour la corde (ceux qui l'ont vu savent).
Mais les défauts sont contrebalancés par de véritables bonnes idées qui modernisent le propos et font de ce Poltergeist, sinon un grand film, au moins une des rares adaptations de films d'horreur digne d'intérêt réussissant à transposer les scènes clés quitte à prendre des libertés pour que celles-ci fassent sens aujourd'hui.