John Shank, auteur de L'Hiver dernier avec déjà Vincent Rottiers, s'est associé à la chef décoratrice Anna Falguères pour réaliser un film parfait pour la fin d'été. Enfin, parfait, c'est à relativiser. Le film a cette beauté plastique indéniable. Les deux auteurs prennent un malin plaisir à capter toutes les sources de lumière, insistant sur les levers et couchers de soleil pour le coup magnifiques. Le rendu de la chaleur qui étouffe les personnages, les force à rester statiques, est incroyable. De ce point de vue là, le film est réaliste. Les deux auteurs parviennent à faire ressentir ces corps en émoi, épris de passion, qui se tournent autour, se cherchent, se séduisent. Le film possède une véritable sensualité parfois incandescente. Les réalisateurs captent la sueur sur les corps, insistent sur les regards langoureux lancés par les personnages les uns aux autres. Ils peuvent se reposer d'ailleurs sur des interprètes très en forme : Garance Marillier apporte une belle étrangeté à son personnage, Vincent Rottiers joue comme d'habitude - c'est-à-dire de manière très habitée, instinctive, féroce tel un animal en cage assez dangereux - mais les vraies révélations du film sont les deux frères qui tiennent le film. Auguste Wilhelm est formidable dans cet entre-deux enfant/adolescent, qui vit ses premiers émois, obéissant et rebelle, cherchant son modèle chez son frère et celui qui les a recueillis. Et puis il y a la comète Aliocha Schneider, petit frère de Niels (l'un des plus grands acteurs de sa génération). Il est remarquable en éphèbe mystérieux, doux, torturé. Il déploie charisme et charme dans toutes les scènes et vole la vedette à ses camarades plus confirmés. Les plus belles scènes sont d'ailleurs celles qu'il partage avec le jeune Auguste Wilhelm où la complicité de leurs personnages se veut subtile mais charmante.
Le problème du film réside donc autre part. Certes, l'aspect crépusculaire de fin d'été de l'ensemble est prometteur pour la suite de la carrière des deux auteurs. Ils savent bien capturer le spleen adolescent voire post-adolescent qui s'empare des personnages. Malheureusement, le spleen contamine le film. Les deux réalisateurs n'ont visiblement pas grand chose à raconter. Certes, les images sont belles (elles illuminent les pupilles à plusieurs reprises) mais la succession de plans larges sur la nature et de gros plans sur les visages ne suffit pas stimuler le spectateur. Il n'y a pas de sens profond du montage et du cadrage. Le montage est quasi inexistant tant la plupart des scènes sont contemplatives et les coupures apparaissent soudainement. Chaque scène semble étirée d'une bonne minute voire plus quand les séquences sont plus longues à la base. A force de miser sur la contemplation, le film sonne creux. Les motivations des personnages sont très vagues, l'intrigue est quasi inexistante et manque de souffle. Les réalisateurs accumulent les poncifs et les clichés de retournements de situation qu'on voit venir à chaque fois. On peut percevoir en sous-texte un questionnement sur la masculinité mais c'est tellement bâclé et binaire que le film ne vaut pas le détour pour cela.
Le sort réservé aux personnages féminins est d'ailleurs problématique, en tout cas dérisoire : elles ne sont là que pour aiguiser les sens des trois héros masculins en quête de femme. Certains dialogues sont d'ailleurs risibles quand un enfant de 11 ans dit qu'ils cherchent désespérément des gonzesses. La plupart des dialogues sonne faux et dès que les personnages ont une réplique, elle semble sortir de nulle part ou nécessiter un vrai effort de la part des acteurs. Les silences sont par ailleurs insupportables. Certes, le corps peut parler à la place de la voix mais il y a des limites. Le film a aussi un problème de contextualisation et de crédibilité. Les jeunes sont quand même paumés au milieu de nulle part. Leur job est ridicule. On a du mal à croire à tout ce qu'il leur arrive surtout quand les ennuis se suivent les uns les autres. Que dire des parents de la jeune fille ! Le film manque clairement de moyens et d'ambition aussi. Le tournage a lieu essentiellement autour de la station essence et d'une baraque abandonnée. Des lieux où il ne se passe pas grand chose d'intéressant. L'éducation sentimentale des enfants est davantage sexuelle et promeut le voyeurisme faute d'Internet à proximité. Quand le film semble se lancer dans une direction, les réalisateurs font machine arrière et préfèrent filmer des ébats répétitifs entre les mêmes personnages ou signer des plans fixes beaux mais vains. Ils ont si peu à raconter qu'ils filment les mêmes scènes sous mille angles : la ballade en moto est un bon exemple.