Pornocratie détonne parce qu’il convertit sa facture ultra-classique en miroir esthétique inversé d’une industrie où l’effet prime sur tout. Effet choc de l’image toujours plus hard, effet médiatique qui génère des vues par millions, des dollars par milliards. Ici il n’en est rien. Les rues sont vides, les tramways errants, les bibliothèques figées sur place. L’absence de réponse heurte : se dresse face à nous un écran, vaste société-fantôme implantée partout dans le monde et pourtant introuvable ; ainsi errons-nous avec la réalisatrice dans des villes désertes aux tonalités grisâtres, comme sinistrées par un ouragan qui aurait affecté non les infrastructures mais les corps qui les remplissent, surtout leur âme. Parce qu’elle ne cultive aucun tabou sans pour autant tomber dans l’outrance, Ovidie oppose au milieu de la pornographie ses propres contradictions insérées dans des mutations affectant d’une même manière le contenu et les modalités de diffusion. Malgré quelques longueurs et une tendance à la répétition qui occulte la rencontre directe avec les usagers – le propos se focalise sur les administrateurs en oubliant quelque peu que celui qui regarde nourrit cette industrie malgré lui tel un administrateur à part entière –, ce qui fait défaut ici. Il n’empêche que le documentaire prend à la gorge par son réalisme jamais forcé et par sa capacité à épouser l’incertitude, à changer l’absence de réponse en vertige d’une pratique dont on ignore (ou ignorait) finalement tout.