Voilà typiquement le genre de découverte dont le visionnage est motivé par une pulsion instinctive vis à vis d’un pitch, d’un nom, de quelques images. Un pitch d’aspiration nihiliste, un réalisateur que j’ai connu au détour de clips (ROSSO, Asian Kung Fu Generation et Thee Michelle Gun Elephant), et une affiche qui pose le ton. Autant dire que je le sentais bien.
Mais Tokyo Rampage/PornoStar est aussi typiquement le genre de film qui peut laisser perplexe.
J’avoue avoir immédiatement accroché à l’entrée en matière de Toyoda : Shibuya bondée de jour, dont la foule est pénétrée par le personnage de Arano, sur fond d’instrumental saturé, très rock indé dans l’esprit. On sent bien l’idée de fond de l’ensemble, la volonté d’illustrer le contre courant, et une certaine esthétique.
L’esthétique de Tokyo Rampage s’avèrera d’ailleurs assez personnelle, tant sur le plan visuel que sonore. Sans grandes audaces ou excentricités, la réalisation de Toyoda fait cependant montre de fulgurances souvent marquantes, à la fois puissantes et sobres. Je pense par exemple à une séquence de poignardage proprement hallucinante faite de travelling en rotation et en allers-retours autour de Arano et de sa victime, aussi fascinante qu’interminable, sur le seul bruit des glissements de lame. Je pense à cette séquence nocturne ou la pluie est faite de couteaux, sous la lumière d’un néon et au son d’une guitare saturée et envahissante. Et je pense aussi à cette séquence assez clipesque de skate, véritable bouffée d’oxygène mélodique et légère au milieu d’un récit généralement austère.
Le film peut en effet s’avérer déconcertant, tant sur le fond que sur la forme. Comme beaucoup de production estampillées « indie » ou « jishu eiga », Tokyo Rampage en manifeste les défauts. J’entends par là un récit qui réussit l’exploit de se montrer à la fois simpliste et opaque, fort d’un propos pertinent mais pas forcément toujours lisible, et de pas mal de fumisterie parsemée de ci de là. Sur la forme, on ne déroge pas aux dialogues épars, aux silences, et certaines coupes frustrantes.
Si les thématiques semblent claires (nihilisme, déperdition, violence, rejet sociopathe), les acteurs de l’histoires ont l’air aussi égarés dans leurs motivations que leur substance apparaît superficielle. Ça donne des idées sans arguments, et des personnages auxquels on ne s’attache pas. Fort dommage, car la solidité artistique de Toyoda aurait mérité une écriture pour l’étayer, et la sublimer.
Tokyo Rampage constitue cependant un objet intéressant, à la personnalité indéniable. Une pellicule issue des 90’s que je ne regrette pas d’avoir visionné, et que je conseille de voir au moins une fois.