Voilà le Mad Max de Kevin Costner, colosse paisible (probablement davantage qu'il ne le voudrait) de quasiment trois heures. Au début pendant presque une heure Costner est sujet et otage dans le groupe des méchants, reliés aux nazis. Ils sont racistes, anti-nègres et ambivalents. En effet ils ont quelques préoccupations culturelles, malgré leur mépris général pour ce domaine de feignasses subversives – forcément (ils brûlent des livres comme dans Fahrenheit 451). Ainsi ils aiment Shakeaspeare et plus encore le cinéma – se passent des films en grand comité, adorent vieux westerns et La mélodie du bonheur.
Leur chef était un vendeur de photocopieuses avant « la guerre » (la troisième, celle qui marque la fin de la rigolade et des 'j’apprends de mes erreurs') : il semble que les moments graves de l'Histoire, ses accidents, permettent aux hommes forts mais entravés de s'affirmer enfin. Le 'Gouverneur' dans Walking Dead (saison 3) aura un profil et une destinée similaires. Ce féodal déclaré prône le culte de la force et s'oppose aux résidus des États-Unis – car le camp des bons est éclaté mais encore mobilisé, les graines sont là, en attente d'hommes providentiels et tolérants pour germer. Car le « représentant des États-Unis restaurés » est en vérité un pieux menteur ; à tous les groupes qu'il croise il fait miroiter un réveil de la civilisation, des repères du passé. À force il s'est pris au jeu et pourrait même l'emporter – et quand il a des doutes, ses petites ouailles sont là avec leur volonté saine et candide, pour relancer sa foi.
Ce besoin d'un guide pour restaurer la liberté (qui semble pourtant désirée – recherchée, plus modestement) est une des légèretés (incohérences ?) du film – lequel puise dans les tropes optimistes habituels. Les crétins héroïques défilent et les conduites inadaptées se multiplient, le pacifisme irréaliste voire débile irradie – des traits courants dans ce cinéma transformant les 'traditional warrior' (éventuellement néo-) en réconciliateurs des communautés et rédempteur des opprimés, sans que les dégâts ou les méthodes cyniques ne viennent salir leur chemin. Postman a son charme, il est religieux – en tronquant les dogmes sévères et l'autoritarisme pour un humanisme très large et quelque peu régressif. C'est un joli essai sur les hommes de l'Histoire, qualifiés d'imposteurs, bons ou mauvais.
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