Postmortem
Postmortem

Film de Albert Pyun (1998)

Albert Pyun a beau avoir été catalogué comme un réalisateur de film post-apo avec des robots (Nemesis, Knights, Cyborg), sa carrière lui a néanmoins permis de toucher à tous les genres principaux, y compris l’aventure (Alien from L.A.), l’héroïc fantasy (L’Epée Sauvage), ou la comédie (Le Lotus Rouge), mais il y en avait un qu’il n’avait pas encore investis : le thriller. L’année 1998 fût à marquer d’une pierre deux coups pour l’hawaïen qui profita de sa rencontre avec la belle Ivana Milicevic pour lui proposer un rôle dans son polar Crazy Six puis ce Post Mortem où elle eu l’occasion de partager l’affiche avec Michael Halsey mais aussi et surtout Charlie Sheen renommée « Charles » pour l’occasion. L’acteur qui était quelques années plus tôt promis a un brillant avenir n’était alors plus que l’ombre de lui-même. Ses problèmes d’addiction à la drogue et l’alcool et ses petites sauteries façonneront sa légende d’homme à femmes du genre volage que le public finira par assimiler à son rôle dans Mon Oncle Charlie. Mais ses nombreuses frasques et caprices de star auront néanmoins eu raison de ses ambitions dans le 7ème art et auront mine de rien contribuer à façonner cette petite production tourné à Glascow en l’espace de 10 jours puisqu’il fera la une des journaux locaux après avoir demandé à se rendre à Easterhouse pour se payer plusieurs milliers de dollars de coke (bien qu’il s’agirait selon d’autres sources d’amphétamines coupés avec du sucre), mais aussi du bon temps avec une prostituée ainsi qu’une arme à feu. L’histoire voudrait qu’il ait même faillit se faire enlever par des gangsters, et qu’il aurait vécu une expérience astral après avoir mangé des biscuits hallucinogènes.


Plutôt que de chercher à s’embrouiller avec sa tête d’affiche qui occasionna bien quelques retards sur les délais de production, Albert Pyun préféra profiter de son état de confusion comme avait pu le faire Francis Ford Coppola avec son père Martin Sheen sur Apocalypse Now (Les chats ne font pas des chiens), de manière à en innerver sa mise en scène qui épouse parfaitement le propos du film et les tourments intérieurs de l’acteur qui interprète ici un ancien profileur ayant décidé de quitter la banlieue de L.A. pour se mettre au vert dans les highlands afin d’en humer les embruns mais surtout d’étuver quelques verres de whisky pour oublier ses traumas. Pourtant, la réalité va de nouveau le rattraper lorsqu’il va se retrouver accuser à tort du meurtre d’une jeune femme alors qu’il était ivre mort, à demi-comateux sur son canapé. Plusieurs autres victimes s’ajouteront au tableau de chasse et seront elles-aussi retrouvés dénudées, sans que leur dépouille ne souffre de profanation ou d’abus sexuel. McGregor va alors sortir de sa cuite pour reprendre du service et pister ce serial killer en assistant les forces de l’ordre dans leurs investigations. L’enquête en elle-même tout comme l’identité du coupable (un croque-mort manifestement atteint d’un complexe oedipien qui tue ses victimes en leur injectant une seringe de barbiturique) n’a malheureusement rien de très original ou de passionnante à suivre d’autant plus que le film souffre très clairement de son rythme indolent mais l’ensemble reste néanmoins digne d’intérêt notamment grâce à l’interprétation de Charlie Sheen qui répond présent sans avoir avoir réellement besoin de forcer son talent mais surtout grâce au magnétisme de la photographie de son chef opérateur George Mooradian qui livrera ce que l'on peut légitimement qualifier de chant du cygne puisqu’il n’aura plus jamais l’occasion de retravailler avec l'hawaïen. Post Mortem n’avait donc pas seulement pour vocation à surfer sur le succès des grands thrillers de la décennie que furent Le Silence des Agneaux et Seven, d’autant plus que s’il fallait vraiment lui attribuer une influence majeur, elle serait plutôt à mettre au crédit de Manhunter. On pourra également dégager certaines thématiques récurrente de la filmographie d’Albert Pyun telle que la quête introspective de son personnage principal qui le fait moins par souci d’image, ou un intérêt quelconque mais bien parce qu’il se doit d’assumer son rôle et sa place dans cette société qui lui refuse le bonheur et la paix intérieur. À l’instar des protagonistes de Michael Mann, c’est un expert dans son domaine de prédilection. Comme le criminel qu’il pourchasse, il ne peut finalement s’exprimer qu’au contact de la mort. Par ailleurs, on retrouve ce même soin accordé aux effets de mise en scène qui préfigure déjà certaines œuvres du danois Nicolas Winding Refn, on pense particulièrement à Fear-X, notamment avec ce recours à la steadicam dans ces longs couloirs baigné de projecteur de couleurs bleu, vert ou rouge qui projette une véritable cartographie de la psyché tourmenté de l'enquêteur et qui confère au film une atmosphère mortifère comme si ce dernier abordait son propre purgatoire, une sorte d’entre deux entre la vie et la mort ce qui se prête également plutôt bien à cette idée de profiler capable de s’immerger à l’intérieur des pensées du tueur. Post Mortem n’est donc peut-être pas le grand film oublié de la filmographie d'Albert Pyun mais un autre fragment d’une mosaïque plus importante qu’il convient de réévaluer pour lui attribuer la mention d’auteur.


Si toi aussi tu es un gros frustré qui en a marre de toutes ces conneries, eh bien L’Écran Barge est fait pour toi. Tu y trouveras tout un arsenal de critiques de films subversifs réalisés par des misanthropes qui n’ont pas peur de tirer à balles réelles.

Le-Roy-du-Bis
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le 13 juin 2024

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