Attention chef d'oeuvre !
Premier film de Fred Cavayé, Pour elle narre l'histoire de Julien (Vincent Lindon) et Lisa (Diane Kruger) menant une vie heureuse auprès de leur leur fils Oscar (Lancelot Roch), jusqu'au jour où la police débarque un matin dans l'appartement du couple et embarque la jeune femme, accusée de meutre. Une vie en un instant qui bascule. Une peine de prison de 20 ans "pour elle". Un vide impossible à combler pour lui. Persuadé de son innocence, Julien ne verra d'autres solutions que de préparer l'évasion de celle qu'il aime. Quitte à franchir le point de non retour.
La question de savoir si Lisa est ou non coupable sera très vite éludée, les enjeux narratifs du scénario écrit par Guillaume Lemans et Fred Cavayé ne se situant pas là. Au bout d'un quart d'heure et grâce à l'utilisation à bon escient du flashback, le spectateur saura très vite à quoi s'en tenir. Ce ne sera pas la seule prouesse du script, celui-ci s'avérant passionnant et bourré de rebondissements. Préparez-vous à une course sans temps mort durant 1H36 ! Tendue de bout en bout, cette histoire haletante sera sublimée par un montage intelligent, avec une fausse piste bien sentie à la Mission Impossible 3. De vraies bonnes idées qui serviront tout du long le film et vous scotcheront à votre fauteuil.
D'autant que chaque scène a son importance et construit efficacement toute la dramaturgie du long métrage : le véritable tour de force du film de Cavayé est de n'avoir aucune scène superflue, chacune d'entre elles permettant de construire un peu plus les personnages et leur donner corps sans que le rythme n'en soit affecté. Ainsi, par petites touches, on voit la relation entre un père (Olivier Perrier) et un fils prendre de l'ampleur, ce qui ne sera pas anodin lorsque le dénouement final approchera. Au final, hormis une scène où une femme fera du pieds à Julien dans un parc (sensée montrer sa détermination et son amour aveugle pour Lisa) et quelques facilités (nous ne sommes pas loin par moments du Deus Ex Machina), le scénario brillera par sa densité, son réalisme, son suspense et une mise en scène efficace qui ne se perd pas dans d'inutiles effets stylistiques : on sent une grande maîtrise de la réalisation et pour une première, Cavayé frappe fort.
Dernier point et non des moindres, Vincent Lindon et Diane Kruger.
De tous les plans, Lindon est bouleversant de justesse dans ce rôle de professeur de français prêt à tout par amour. On pourrait penser la démarche égoïste en arguant que le leitmotiv de Julien est de combler le vide existentiel pour lui et son fils causé par l'absence de sa femme, mais la performance de Lindon touche de tels sommets de fragilité, de retenue, puis d'explosion, allant crescendo en parallèle avec la tension du métrage que cet amour inconditionnel devient le moteur du film, et non l'action. Rien d'étonnant du reste de la part d'un acteur qui n'a plus rien à prouver tant il a rarement déçu. Plutôt habitué aux drames ou aux comédies romantiques, il ajoute une nouvelle corde à son arc et prouve que même le thriller lui va à ravir.
Quant à Diane Kruger, actrice convoitée par le tout Hollywood, elle trouve ici un rôle à la pleine mesure de son talent (rien d'étonnant, quand on sait qu'elle a travaillé avec Cavayé durant un mois sur le script pour peaufiner son personnage) et malgré sa présence restreinte à l'écran, nous bouleverse comme jamais. Émouvante, déchirante, avec une véritable aptitude à la nuance, le cinéma français lui offre le plus beau rôle qu'elle a eu à interpréter jusqu'alors.
Aller voir Pour elle, c'est un grand moment de cinéma pour vous.
