Le hasard fait parfois bien les choses. En effet j'ai vu Pour l'éternité à peine une semaine après avoir découvert le magnifique It Must Be Heaven d'Elia Suleiman. Deux films qui abordent avec une forme similaire la banalité ou le tragique des évènements quotidiens de la vie.
Si le film Cannois possède un humour plus absurde, se reposant sur le silence d'Elia Suleiman face à de nombreuses situations burlesques, Pour l'éternité se révèle plus sombre, plus pessimiste, peut-être même plus tranchant.
Le film de Roy Anderson, Lion d'Argent du Meilleur Réalisateur à Venise en 2019, se divise en de nombreuses scénettes, parfois commenté par une voix off, avec des personnages récurrents, situés dans une ville à l'atmosphère sombre. Beaucoup de ces courtes séquences montrent des désagréments parfois légers de la vie de tous les jours : Une vieille connaissance du lycée qui ne retourne pas nos salutations, des chaussures à talons qui se cassent dans une gare, une session douloureuse chez le dentiste. D'autres sont plus dramatiques : un homme confronté au peloton d'exécution, une marche forcée de prisonniers de guerre. Pour autant il n'y a pas de crescendo dans le film, l'intensité dramatique varie selon les séquences. La constante est bien celle de l'ambiance, non seulement visuelle avec ces couleurs grises bleues ou brunes, mais aussi celle de l'attitude des personnages, qui semble fatigués, amorphes et déprimés.
Ces scènes ressemblent au final à une série de tableaux liés entre eux par une esthétique particulière et une pointe de pessimisme. D'ailleurs chaque plan est comparable en effet à une peinture, tant la photographie est splendide et recherchée, et tant les scènes et la caméra sont souvent assez statiques.
Pour l'éternité n'est pas pour autant un film qui m'a paru triste, il est plutôt un hommage à la complexité de l'existence, et à la beauté très subjective des moments douloureux qu'on rencontrera dans sa propre vie.