Je dois bien avouer un truc dont j’ai un peu honte : je n’aime pas particulièrement le western. Même si je reconnais que d’un point de vue purement cinématographique le genre peut se prêter, au moins sur la forme, à de bien belles choses, j’ai toujours été beaucoup plus intéressé par ce qu’il se passait sur le vieux continent à l’époque dite du far west.

Mais alors là, on est sur autre chose.

Déjà, exit les indiens bilingues et la cavalerie émérite. Le western de Leone se centre sur le bas instinct, la sueur et l’avidité. Fini le héros vertueux et le manichéisme formel. Fini le western de papi, ici on balance de nouveaux codes, tant esthétiques que moraux.

Et d’entrée, passé l’envie de se faire violer par un Clint Eastwood beau comme un diable, on est interpellé par la façon dont un enfant (insupportable au demeurant) se fait molester à l’écran presque sans concession, sous les yeux quasi indifférents d’un individu introduit comme le personnage principal d’un film qui à son image se fera plus observateur semi passif que porteur d’une morale sans ambiguïté.

Le Joe, ça c’est que j’appelle un personnage, bordel ! En voilà un comme je les aime et comme on en fait peu. Évidemment, le charisme et la désinvolture naturelle de Clint lui doit beaucoup ; mais c’est l’écriture qui fait l ‘essentiel de sa substance en floutant ses barrières morales. Opportuniste, trop malin pour être honnête, peu enclin au sentimentalisme, violent et revanchard, voilà de quoi demander un minimum de nuance au regard du spectateur de l’époque, n’est ce pas ?

De la blagounette de la mule à la demande toute spontanée des 500 dollars aux Rojos en passant par la diversion du soldat pour mâter le contenu de la diligence, qu’est ce qu’on prend son pied devant l’amusement à peine dissimulé du personnage de Joe face à la stupidité ambiante ! Complètement jouissif, enfin un gringo qui m’a fait bien marrer devant mon écran.

Leone quant à lui impressionne par la modernité de ses plans. C’est un ancien dessinateur de BD (amateur) qui vous parle et qui vous dit à quel point ses yeux ont été chatouillés par l’aspect photographique de ses cadres, leur composition, la superposition des éléments, leur (a)symétrie particulière, la place des sujets, la beauté des aspérités des visages que personne avant lui n’a osé montré dans toute leur vérité.

Ça peut paraître con de dire ça comme ça, mais ce qui frappe c’est l’aspect cinématographique des images du film de 64, là où de nos jours on a plutôt l’impression de manger de la cinématique. J’ai été interpellé par la profondeur des plans, au sens de puissance visuelle et esthétique.

Dommage que le film accuse une baisse de régime assez sensible après une première partie totalement délectable, et qu’une ou deux conneries scénaristiques (je ne m’étend pas pour ne pas spoiler) viennent un petit peu alourdir le plaisir pourtant indéniable qui ressort du visionnage.

Et puis il y a ce thème de Morricone, plein d’ironie et de dérision implicite, qui vous reste en tête comme le sourire en coin en repensant à un Clint malin comme un singe, qui vaut bien plus qu’une poignée de dollars.



*Pour toi @guyness
real_folk_blues

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