L'Art de l'Équilibre

La raison première des lignes qui vont suivre est la note désastreuse que se tape ce film sur SC (4,7 au moment où j'écris). Tiens, c'est à peu près la même note que celle de la série Digimon d'ailleurs, dans le même registre de connerie.

Je sais pas si les gens notent par défaut en voyant une franchise blacklistée dans l'inconscient collectif ou si ils sont juste hautains, fermés et réfractaires à force de s’empiffrer de merdes insipides du Festival de Cannes et de Marvellades ultra-calibrées ; ou alors la raison de cette notation se trouverait-elle dans un système de défense psychologique après ce que cet excrément de cloporte qu'est Michael Bay a fait subir aux franchises du même bois ?

À la sortie de la bande-annonce, j'ai tout de suite repensé à cette ignominie sur laquelle je m'étais étendu il y a quelques temps (ce qui m'épargnera de me répéter ici). Mais une fois celle-ci lancée, j'avais bon espoir, avec toujours une crainte de me retrouver devant un nanar, ou alors un truc trop dark et vulgaire. Je saluais la démarche en croisant les doigts quant au résultat.
Et il aurait difficilement pu être mieux.

Comprenons-nous bien, je ne vais pas encenser ce film à outrance. Simplement, soyons francs bordel de merde : considérant le matériau de base, pondre une œuvre correcte était une gageure.
Et de ce point de vue, le film dépasse largement mes attentes. Car de base cette franchise est absolument pourrie, passé les souvenirs de gosse et les personnages forts dont ont pourrait tirer quelque-chose avec le traitement approprié (il en va de même pour le pitch).

C'est, comme le précise le titre de cette critique, une question d'équilibre (et pas de calibrage comme dans un Marvel).

Le film est sombre mais pas trop. Il est fun sans trop en faire. Les personnages sont torturés mais rien d'excessivement glauque, et ils sont touchants, portés par des acteurs qui font un bon boulot (le casting dans l'ensemble est vraiment bon, surtout Elizabeth Banks qui s'approprie à merveille le rôle de Rita Repulsa, un excellent choix).

Concernant le côté nostalgie, fan-service, viol de l'œuvre d'origine et autres considérations, je pense qu'on s'accordera tous pour dire qu'un très très grand nombre des pitits garçons des 90's ont bouffé du Mighty Morphin, Zeo, Turbo et consorts ; faisant partie de cette élite, j'ai personnellement aimé la façon dont les personnages de Zordon, Rita, Alpha ainsi que la team d'origine ont été repris et modernisés sans être dénaturés (surtout les trois premiers en fait).
On a aussi droit à un caméo bien sympa à la fin du film, à un teasing aguicheur après le générique et toujours quelques références ici et là.

Côté réalisation, j'ai aimé l'aspect réaliste légèrement saupoudré de poésie (même si on bouffe bien entendu une avalanche d'effets spéciaux dans le combat final). Couplé à une B.O. tout simplement énorme, j'admets avoir eu des frissons lors de certaines scènes.

Et oui, s'il y a un plaisir régressif à voir ça, je ne pense pas qu'on puisse parler de plaisir coupable (tout dépend de la définition que l'on en a après), en tous cas pas plus que pour un Marvel. C'est un divertissement. Le film n'est toutefois pas exempt de défauts, je pense particulièrement aux clichés scolaires ; d'un autre coté, rappelons que Stranger Things aussi est bourrée de clichés ; j'ai beaucoup pensé à cette série en visionnant ce film, de par son univers visuel, musical, ainsi que les thématiques abordées. Mais c'est aussi le but de ces mythologies selon moi : montrer l'exemple par des archétypes, même si cela est caricatural.

Au final, on ne voit que très peu les Rangers dans ce film, et le climax manque de peps (sur la forme), notamment à cause du manque de moyens. Le premier point étant une très bonne chose selon moi : le film en est beaucoup plus humain, et pourtant ça faisait longtemps que j'avais pas eu l'impression de voir des vrais super-héros à l'ancienne, peut-être justement car le procédé permet de s'attacher aux personnages et d'être "fier d'eux". On sait qu'ils prennent des risques, qu'ils sont vulnérables, qu'ils ont beaucoup à perdre, et les voir coopérer en mode Super Sentai Family malgré leurs différences contre les gros méchants en manquant de crever c'est juste trop bon, surtout quand on sait qu'ils sont au ban à la Breakfast Club (ce qui est caricatural mais appréciable).
J’ajouterai que leur cosmopolitisme aussi est le bienvenu (désolé H2L). Et pourtant ils n'en font pas des caisses sur le SJW. Ils placent un autiste et une lesbienne et ne s'amusent pas à rappeler leur condition toutes les trente secondes, ce qui est la bonne façon de faire (que DW en prenne de la graine).

Et oui, certains aspects de l'histoire sont inexpliqués ou étranges, mais il faut jouer le jeu devant ce type de film. De plus, pas mal de réponses auraient sans doute été apportées dans les suites avortées (semble-t-il). On a quand même eu une scène d'enterrement pour des victimes anonymes du milieu du film, ce qui est rarissime et montre le soucis de prendre en compte l'impact des différents événements.
Donc ouais je pense pas qu'ils auraient laissé un Megzord ne pas être cherché par le gouvernement, ou qu'ils n'auraient pas approfondi les origines de Zordon et Rita.
On ne le saura sans doute jamais, hélas.

Pour conclure, je dirai qu'après Tron, John Carter, Tomorrowland, et Warcraft j'en ai assez de voir des blockbusters honnêtes et originaux se faire tailler par des sous-races qui mettent 8 à Doctor Strange (exemple au pif, il est pas horrible mais pas génial non-plus), et qui, par leur comportement de bolossoïdes mongoliens, enterrent des franchises qui auraient pourtant pu faire rêver pas mal de monde et diversifier un peu le paysage des grands spectacles cinématographiques actuels.
Et là c'est particulièrement dommage, car la mythologie originelle aurait pu reprendre tous les méchants classiques jusqu'au final avec Dark Specter et Astronema (oui, je me suis fait madeleinedeprouster par ce film et je me suis souvenu de plein de trucs enfouis dans ma mémoire en creusant les wikis), ce qui aurait donné une jolie petite saga.