L’intérêt que présente Prayers for Bobby est d’interroger la foi religieuse au carrefour de l’ancien et du nouveau, de la théorie et de la pratique, du littéral et du symbolique : la Bible apparaît avant toute chose comme un miroir dont les mots et les injonctions reflètent la vision du monde de celui qui les lit. Ainsi le personnage le plus passionnant du long métrage est-il, non pas Bobby, mais sa mère, campée par une Sigourney Weaver impériale : son évolution intérieure est un chemin semé d’embûches et réalisé dans la douleur d’un arrachement, d’abord de l’unité familiale à jamais perdue, ensuite de l’enfant ravi, enfin de la croyance aveugle en des textes dont la sacralité s’est substituée à l’amour pour son prochain saisi dans son altérité et sa singularité fondamentales.
Le format téléfilmique exige raccourcis et facilités : aussi, nous n’assistons pas aux errances de Bobby dans sa nouvelle petite patrie, le voilà amoureux en deux temps trois mouvements ; sa marche le long du pont ouvre l’ensemble et annonce la bascule dramatique ; les situations dégradantes et violentes s’enchaînent de manière conventionnelle. Et pourtant la prévisibilité raccorde la thématique à sa réalité concrète et vécue par bon nombre de jeunes gens. Le choix du téléfilm s’en trouve pleinement justifié : ou la volonté d’opter pour un format de grande diffusion aux codes stéréotypés pour mettre en scène un problème que pourraient rencontrer toutes les familles et les convier à s’interroger sur leurs mentalités, sur les conséquences insoupçonnées de discours haineux ou de rejet. « Un enfant écoute », et cet enfant pourrait être le nôtre, et cet enfant pourrait être nous-mêmes.
En dépit de certains partis pris esthétiques lourdingues qui attestent la qualité toute relative du réalisateur Russell Mulcahy – dont le seul bon film reste à ce jour Highlander –, malgré une musique lénifiante qui plagie ouvertement la splendide partition de James Horner pour Apollo 13, Prayers for Bobby s’affirme comme un téléfilm pédagogique et juste, campé par de bons acteurs, une invitation à déconstruire ces fanatismes qui nous aveuglent pour accepter l’autre, aussi différent puisse-t-il être.