Consécration pour Villeneuve avec "L'ARRIVÉE"

Ça fait déjà quelques semaines qu'on l'attendait à Montréal. Depuis sa sortie à la Mostra de Venise en Septembre, les critiques de presque partout n'ont cessé de l'encenser et pour cause. On a parlé surtout de sa cohérence, de son originalité, de sa modernité comme de sa maîtrise et de son ambiance unique.

Comme quelques autres de ses réalisations dont "Incendie", "L'Arrivée" de Villeneuve est un film complexe à la compréhension mais épurée et dépouillée de tout artifice. L'exagération des effets spéciaux comme de la musique d'accompagnement et l'héroïsme du star système hollywoodien qui trop souvent rendent les récits de sciences-fiction simplistes, y sont quasi exclus laissant place à un esthétisme très sobre, mûri et propre au réalisateur. Les images exclusivement tournées au Québec, plus particulièrement à St-Fabien et Rimouski, montrent qu'il n'est pas nécessaire d'aller à l'autre bout de la planète et de dépenser des fortunes pour produire ce genre de film et permettent de nous affirmer par rapport au reste du monde.

Des le début de la première séquence, l'utilisation de flous artistiques et de plans rapprochés sur les protagonistes donnent le ton. Une atmosphère onirique, douce et prenante est ainsi projetée exprimant une introspection intimiste personnifiée auquelle le spectateur peut s'identifier émotionnellement sans faux-semblants. Par la suite des images plus froides à la Whistler évoquant une réalité plus dure et sombre, viennent contraster de manière distante avec ce prélude. C'est dans ce climat que le personnage principal Louise Banks (Amy Adams), une spécialiste des langues accepte à la demande de l'armée américaine d'essayer de traduire le langage d'extraterrestres soudainement arrivés sur la Terre avant que d'autres États utilisent la force contre eux.

Cette première séquence est un élément clé de cette réalisation puisqu'au niveau de la chronologie narrative, elle représente le futur malgré qu'elle soit portant située au début de l'histoire. On pourrait croire à un flash back mais elle est en fait comme une appréhension intuitive projetée de l'action qui s'en vient. Assez subtile et rare au cinéma, on ne le remarque pas forcément au premier abord. Cependant, avec un peu de recul et en reliant cet intro au reste du récit, on finit par en déduire que tout l'ensemble de "L'Arrivée" est en fait une réflexion sur la perception du temps et de son espace réel ou fictif (imaginaire) et de la manière de pouvoir y communiquer.

Autant Spielberg, Kubrick, De Palma, Zemeckis que Nolan ont tenter d'explorer cette dimension et sa vraisemblance dans leurs oeuvres; les réalisateurs des Star Wars, des Startreks, des Terminateurs, de Blade Runner ou d'Avatar aussi mais avec moins de soutien. Disons que pour ces derniers, ce n'était pas le principal propos. Tous ont échoués évidemment devant la complexité de ce défi; même le génial Kubrick avec son symbolique monolithe dont il ne peut expliquer et encore moins justifier le pouvoir hormis qu'il soit rectangulaire et évoque à son passage une certaine rationalité. Villeneuve va plus loin. Dans la scène culminante de son film, un ultime contact est établit entre l'un des aliens heptapode et la linguiste spécialisée. Il s‘agit non pas d'un quelconque lien ésotérique de thélépathie inexplicable ou inexpliquée, ni de formules mathématiques sans fondement révélées permettant tout à coup de construire des machines et de voyager dans le temps mais d'une capacité de perception de l'avenir à la fois plus rationnelle et intuitive dont la terrienne peut concevoir elle-même parce que soutenue (montrée par les sens) par l'alien et une manière de communiquer plus élaborée que seule une spécialiste des langues peut arrivé à comprendre. Une forme d'écriture reliant à la fois le passé et le futur à l'instant présent comme la pensée introspective et le vécu du personnage principal, comme la fiction projetée de la vision de Villeneuve qui devient réalité avant de rejoindre le passé.

Toute l'originalité de cette science-fiction de Villeneuve se retrouve donc à la fois à travers ce contenu au propos cohéremment justifié et à travers sa forme épurée d'où émane une atmosphère unique et une vraisemblance qui risque de rester longtemp inégalée.

Le très attendu "Blade Runner 2049" sortira en Octobre 2017. Peut-être que Villeneuve saura avec cette nouvelle fiction égaler et même parfaire encore plus la profondeur et l'ingéniosité de son oeuvre. Cependant, il sera difficile de faire mieux d'autant plus que les attentes seront très grandes. Comme il l'a déjà dit lui-même: " l'échec n'est pas (et ne sera pas) une option".

DProu
8
Écrit par

Créée

le 5 févr. 2023

Critique lue 17 fois

1 j'aime

DProu

Écrit par

Critique lue 17 fois

1

D'autres avis sur Premier Contact

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Premier Contact
Sergent_Pepper
8

Mission : indicible.

La science-fiction est avant tout affaire de promesse : c’est un élan vers l’ailleurs, vers l’au-delà de ce que les limites de notre connaissance actuelle nous impose. Lorsqu’un auteur s’empare du...

le 10 déc. 2016

195 j'aime

16

Premier Contact
trineor
5

Breaking news : t'es à court sur la drogue bleue de Lucy ? Apprends l'heptapode !

Bon, bon, bon. Faut que je réémerge d'une apnée boulot déraisonnable, rien que le temps d'un petit commentaire... parce que c'est que je l'ai attendu, celui-ci. Et fichtre, je suis tout déçu ...

le 7 déc. 2016

154 j'aime

61

Du même critique

Premier Contact
DProu
8

Consécration pour Villeneuve avec "L'ARRIVÉE"

Ça fait déjà quelques semaines qu'on l'attendait à Montréal. Depuis sa sortie à la Mostra de Venise en Septembre, les critiques de presque partout n'ont cessé de l'encenser et pour cause. On a parlé...

le 5 févr. 2023

1 j'aime

Disparition
DProu
7

Critique de Disparition par DProu

Je me questionne sur l'épisode 2 du disque 3 (coffet DVD) où au début dans la présentation des épisodes d'avant, on nous montre une reprise plus classique de la scène de la montre de "Pulp fiction"...

le 24 févr. 2024

Manderlay
DProu
8

Critique de Manderlay par DProu

Mise en scène théatrale, originale et inégalée des imperfections, voire de la perversion démocratique. Séquence bouleversante, renversante et inoubliable de Man (Lauren Bacall) lorsqu'elle doit...

le 6 janv. 2024