Du 6 Décembre 1942 à la première victoire (fictive) des États-Unis dans le Pacifique, le film retrace le parcours des officiers de la Navy au cœur du second conflit mondial. Il suit en particulier les trajectoires ascendantes du capitaine (et futur amiral) Rockwell W. "Rock" Torrey et de son ami le commandant Paul Eddington (futur chef d'état-major) en charges de la délicate opération Skyhook, censée ouvrir le pacifique à l'armada du général MacArthur. On y découvre leur quotidien fait de devoirs, de manœuvres mais également d'ennui, de séduction et de bals dansants. Rock Torrey (Wayne) est l'incarnation même du vieux baroudeur de la Navy : brillants états de service, plus à l'aise au large qu'à terre, courtois et honorable, il a sacrifié sa vie privé pour sa patrie. Durant le conflit il fera la rencontre amoureuse du lieutenant Maggie Haines, infirmière de l'US Navy, après s'être cassé le bras au cours du raid des Zéros japonnais sur Pearl Harbour et croisera la route de son fils Jérémiah, qu'il n'a pas vu depuis 18 ans. Paul Eddington (Douglas) est quant à lui aux antipodes de cette image d’Épinal : états de service calamiteux, maintes fois mutés pour insubordination, ivrogne barbu et bagarreur, fière époux infidèle et cocu d'une délicieuse jeune femme blonde (son homologue féminin) et violeur à ses heures perdues, il est néanmoins un soldat à l'instinct et au courage exemplaires et un homme foncièrement bon qui vivra l'enfer. Autour d'eux gravitent bien d'autres officiers dont un ancien "congressman" arriviste et carriériste venu garnir son fière poitrail de récompenses et glaner par la même occasion quelques voix pour l'après-guerre, un amiral incompétent en quête de gloire et d'honneur par procuration et, il en faut bien un, un jeune lieutenant doué et héroïque qui ne manquera pas de faire ses preuves.
Le long-métrage s'inscrit dans la longue liste des films choraux à rallonge des années soixante (ce qui n'est pas pour me déplaire) qui racontaient (et romançaient) de façon spectaculaire les évènements de la seconde guerre mondiale (Tora! Tora! Tora!, The Longest Day ou encore Battle of the Bulge) et de leurs conséquences dans l'après-guerre (Exodus). In Harm's Way se situerait entre le Midway de Smight (1976) pour l'aspect spectaculaire des batailles navales et le From Here to Eternity de Zinnemann pour l'évocation des mœurs dans l'armée tout en lorgnant sur le Battle Cry de Walsh qui suivait déjà les pérégrinations des soldats américains dans le Pacifique entre l'enfer des combats et la paix matrimoniale des permissions (on a changé d'époque depuis). Annakin aurait pu s'y coller s'il n'était pas déjà engagé sur le front de l'Ouest avec Fonda (qui fait deux sauts à Hawaï au passage) dans Battle of the Bulge. D'aucun ne le regrettera puisque c'est Preminger qui dirige : reconstitution pétaradante de l'attaque de Pearl Harbour, base militaire sur sable blanc à l'ombre des palmiers, centaines de figurants et batailles navales impressionnantes plus vraies que nature... force est de constater qu'il n'a pas lésiné sur les moyens. Sa mise en scène est brillante et efficace et certains travellings et plans séquences dans les coursives des croiseurs et lors du bal en introduction sont magnifiques. Le talent est également devant la caméra où tout un cortège de star s'est donné rendez-vous : aux côtés des patriotes Wayne (malade), Douglas et Fonda, toujours impériaux, s'ébattent entre autres Bruce Cabot, Patricia Neal, Dana Andrews et George Kennedy. Dommage que la faiblesse des intrigues sentimentales et la description assez simpliste des états d'âme des militaires ne soient pas du même acabit. Du reste Patricia Neal répond enfin à la question du comment Douglas parvient à électriser chacun de ses films "He's got something bottled up behind all that dashing charm.".