Prends chair
Prends chair

Court-métrage d'animation de Armin Assadipour (2023)

L'édition 2024 du Paris International Fantastic Film Festival s'est tenue cette semaine avec à la clef une compétition très serré du côté long métrage (avec 4 films dans un mouchoir de poche, donc trois qui me tardent déjà de découvrir), bataille entre favoris et véritables outsiders, qui s'est achevé avec la victoire du touchant U are the Universe. Du côté des courts métrages français, la sélection n'a pas fait l'unanimité. La compétition était composé de (dans l'ordre de diffusion) La voix de son maitre (véritable déception beaucoup trop longue au jeu d'acteur hasardeux du côté des adultes, des effets de tension suggéré hors champ qui ne marchent pas, et une non-fin suivi d'un épilogue pour conforter l'absence de fin... c'est concept), Lui (Très belle surprise qui marque par sa simplicité d'apparence et l'efficacité redoutable de son concept), Le Bézoard (court métrage cryptique où une femme crache des cheveux, puis crache une perruque, puis une sorte de yéti aux poils noirs qui ne fait que fixer la jeune femme dans son appart, entre inquiétant et plaide pour avoir chaud la nuit... la réalisatrice a indiqué avant la séance que c'était le bordel dans sa tête, étrangement je la crois), Anechoique (Projet Nikon 2023 très original et efficace sur le thème du feu, le film souffre surtout de ne faire que 2 minutes qui, même si elles sont efficaces, ne permettent pas de mettre en avant le concept qui trouve rapidement ses limites), Cavale (démarrant dans une embrouille dans un bar PMU à la limite de l'anecdotique, on suit un homme, entre l'énervement et le pure plaisir d'être un chieur, qui va lancer une série de meurtres les moins violent et gore possible, entre acting approximatif et chasseurs se déplaçant bien sagement pour se faire abattre hors champ, parmi les pires films de la compétition), Flush (Oeil d'or 2024 et prix ciné frisson pas trop démérité, qui impressionne avant tout pour ses décors et ses effets pratiques plus que par son scénario, des acteurs plutôt correct dans une histoire qui traine parfois en longueur et n'est pas toujours efficace dans son humour... il faisait parti du haut du panier), et Linda la belle mère (univers intriguant qui engendre 2 minutes de pure incompréhension face à un mauvais concept, mal exposé, aux effets spéciaux pouvant pratiquement se résumer à un PNG pour représenter une tête ouverte... entre celui-ci et Cavale, c'est pipi et caca qui se battent en duel pour le titre de pire court métrage du festival). Mis à part Lui et Flush (Anechoique est très sympa mais peu être beaucoup trop court pour développer un propos marquant), il était compliqué de trouver chaussure à son pied. Pourtant, il reste un dernier court métrage (diffusé juste après Bézoard) en animation, Prends Chair, qui a reçu le prix du jury court métrage, et qui a été l'un de mes plus gros coup de cœur du festival.


Situé dans la banlieue, le film déploie très efficacement une animation Blender se rapprochant beaucoup de la rotoscopie, avec des cadrages et des lignes au plus près du réel. Cela est avant tout pour se rapprocher au plus près de la frontière entre fiction et réalité, dans une volonté de représenter un récit qui se passe d'un point de vue fantastique vis-à-vis d'une situation réelle. On ressent ainsi tout un contexte et (littéralement) un fond de réalisme à une histoire qui se veut comme un prolongement fantastique d'une réalité concrète. Cela colle (sans mauvais jeu de mot) avec le personnage de Venance et de la créature qu'il abrite dans sa chair et qui, à l'image du film, est une retranscription fantastique d'une réalité lié au harcèlement qu'il subit au quotidien. Malgré une animation qui saccade par endroit et donne un aspect un peu trop artificielle sur certain endroit, on admire une démonstration de forces et de savoir faire en terme de mise en scène et d'inventivité. On peut y retrouver des inspirations d'Akira et des mutations corporelles que peuvent subir les personnages, ou encore de Mars Express lorsque la créature va pour dévorer un personnage et va pour digérer ses os en les brisant, rappelant la brutalité et l'efficacité de la mise en scène des exécutions sommaires. Enfin en terme de musiques, le film arrive à nous plonger dans la brutalité de la banlieue et le malêtre que peuvent ressentir une génération.


En terme d'écriture, le film est parfaitement bien rythmé et est surprenamment agréable tant les dialogues sonnent vrai. Rares sont les films traitant de la banlieue qui arrivent à écrire des dialogues aussi justes et aussi authentique. On y reconnait le dynamisme et l'inventivité de la jeunesse, et c'est un plaisir à suivre tant certains échanges (parfois très cruelles) arrivent à être fluide et crédible. Les personnages sont parfaitement installé et le film aurait pu être un quasi parfait si je n'avais pas un problème avec le propos de fond qui entoure la relation qu'entretient Venance avec le monstre. A la fois c'est un danger et il essaye tant bien que mal de retenir le monstre de tuer des gens, mais en même temps, va pour entretenir une relation quasiment de couple façon Venom de Ruben Fleischer (allant presque dans la version d'Andy Serkis dans le côté relation toxique), où Venance a de la sympathie pour la créature. On peut y voir une certaine forme de plaisir que peut ressentir Venance à extérioriser son malêtre, un peu lorsque l'on souhaite du mal à quelqu'un au point d'envisager le pire. Mais de l'autre, cela ne colle pas entièrement avec la relation que peut entretenir le personnage avec des personnages plus gris comme sa famille, en particulier sa sœur. Surtout, on est très vite perplexe par l'épilogue et la situation de fin qui est profondément abominable, mais en même perçu presque comme une forme d'idéal. C'est ici que les intentions du réalisateur se font plus trouble. Le réalisateur voulant extérioriser une situation qu'on devine vrai, on devine très rapidement ce que symbolise le monstre et ce que recherche Venance afin de le calmer, et cet épilogue vient presque tout remettre en question, allant presque remettre en question les intentions initiales du personnage principal pour un message que l'on n'arrive pas nécessairement à comprendre. Maintenant, cela reste assez minime par rapport à un court métrage maitrisé de bout en bout et où la violence, mêlant jubilation régressive et instauration d'une tension minutieuse, arrive à prendre le pas sur une fin peu être un peu trop cryptique pour ce qu'elle propose. On voit ainsi l'émergence de jeunes talents que j'ai personnellement déjà hâte de retrouver sur d'autres projets aussi passionnants et passionnés.


16,75/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis

Youdidi
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le 12 déc. 2024

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